LA LAINE PASHMINA LA VERSION LUXE DES LAINES CACHEMIRES

 

Passionnés de belles histoires textiles, amateurs de légendes, inconditionnels du juste usage des mots, le parcours atypique de cette sublime fibre textile a tout pour vous séduire.

COMPLEXITÉS ÉTYMOLOGIQUES

Pashm = laine, mot d’origine perse désigne au Kashmir exclusivement deux fibres d’exceptions : la laine pashmina, duvet de la chèvre tchang-ra et le shahtoosh, duvet de l’antilope tibétaine. Le suffixe inâ, qui induit l’idée d’un supplément de chaleur, est venu sublimer le simple pashm. En occident, pashmina a une triple signification : la chèvre, la laine, le châle ou Shawl

LE NEC PLUS ULTRA DES LAINES 

Le Ladakh ou «pays des cols», est une région située au nord de l’Inde entre le Tibet et le Cachemire. C’est le pays des Tchang-pa, tribus de bergers nomades, qui élèvent sur le plateau du Tchang Tang les chèvres tchang-ra dont le duvet d’hiver fournit la laine pashmina. 

Cette race de chèvre spécifique au Ladakh se différencie de sa famille d’origine, capra hircus laniger, par sa morphologie et son métabolisme adaptés aux conditions de vie extrêmes du haut plateau du Tchang Tang qui s’élève à plus de 4500 m.

PASHMINAH OU CACHEMIRE ?                                       

Sachant que tout pashmina est cachemire mais que tout cachemire n’est pas pashmina, il est temps de mettre de l’ordre dans ce désordre.Le terme « Cachemire »  est un générique qui s’applique à plusieurs qualités de laine, dont la plus rare et plus convoitée est  la pashmina. 

LA  FIBRE DE TOUS LES RECORDS

La qualité du duvet est conditionnée par les aléas climatiques et varie d’une année à l’autre, tout en restant supérieure à celle des autres cachemires

Les chèvres tchang-ra vivent à une altitude qui s’échelonne entre 4500 et 5000 m.

La végétation rare, est riche en minéraux grâce à une irrigation naturelle due aux minuscules ruisseaux.  

La température en hiver- 40° frôlant parfois les -50°. 

Un hiver rigoureux augmente la densité du duvet et accroit l’isolation thermique. 

La qualité du duvet se jauge à la finesse ( 16 microns ou -) à la longueur du poil (36mm ou +) la couleur gris, beige, écru et blanc.   

Ces records justifient le prix élevé de ce trésor.

LA QUALITÉ SE JOUE SUR LES SOMMETS HYMALAYENS

Les chèvres du Tibet, élevées en masse en Chine et en Mongolie, ne sont pas confrontées aux mêmes conditions de vie que leurs congénères du Ladakh. L’altitude des hauts plateaux où elles vivent ne dépassent guère 2 000m et les températures n’atteignent pas de records vertigineux, : leur duvet est moins compact donc moins chaud, le poil moins fin, avec un diamètre de 19 microns ou +. Si leur duvet est aussi une laine cachemire, la qualité est inférieure à celle de la laine pashmina. 

UN LABEL AMBITIEUX MAIS SANS VALEUR COMMERCIALE

Depuis 2008, il existe un label indien d’authentification pour le tissage pashmina : « N’est Pashmina qu’un article artisanal fabriqué avec la laine des chèvres tchang-ra du Ladakh et tissé par des artisans sur des métiers manuels dans les ateliers du kashmir à Leh ou à Srinagar ». Malheureusement, ce label demeure sans effet, le mot Pashmina n’ayant jamais été déposé.

TRICHER N’EST PAS JOUER

Tout le monde en parle, tout le monde en vend, tout le monde en veut, sachant qu’une chèvre  tchang-ra ou chèvre pashmina fournit environ150 g de duvet exploitable chaque année, comment expliquer cette profusion d’articles sur le marché mondial sinon par un tour de passe-passe ou une confusion de matière première L’exceptionnel est rare et la quantité de laine pashmina vendue sur le marché international n’est que de 0,5% de la production mondiale

UN SEUIL DANGEREUX

Le saviez vous ? Les chèvres caprahircus laniger chamboulent l’éco-système. En Chine et en Mongolie,  la multiplication des élevages intensifs provoque un désordre écologique aux conséquences inattendues : la désertification partielle de territoires situés en Mongolie intérieure est due à l’accroissement des terres de pâturage (pour se nourrir les chèvres arrachent une végétation déjà rare avec les racines. Après leur passage, plus rien ne repousse). Les vents violents qui se lèvent en Mongolie emportent vers Pékin poussières et sable que plus rien ne retient au sol. Le gouvernement de la région mise en cause a réduit drastiquement le nombre de pâturages afin de laisser une chance à la flore originelle de renaître.

DU DUVET AU FIL

Si la matière première vient du Ladakh, ce sont les artisans du Kashmir qui, depuis le XIVe siècle, maîtrisent l’art et la manière de filer et de tisser ces fils et la commercialisation des produits finis. Les premières machines à filer dans ces régions furent construites au Kashmir et les artisans, habitués à tisser la soie, utilisèrent les mêmes métiers pour tisser la laine pashmina. La situation géographie du Kashmir facilitait les échanges commerciaux : Srinagar, la capitale d’hiver et Jammu, la capitale  d’été des souverains, deux villes situées sur la route de la soie.

Une douzaine d’étapes est nécessaire entre la récolte du duvet et le tissage. Le travail à domicile était courant, impliquant les membres d’une même famille, chacun ayant sa spécialité

« AUX FILS » DE  L’HISTOIRE, LES LEGENDES RACONTENT….

Les mécènes : sont en lice des rois, des empereurs, des sultans qui tous firent, dans des proportions diverses, du mécénat, peut être sans le savoir : Ashok (-IIIe), Sayyid Ali Hamadani (XIVe), le sultan Zain Ul Abidin (XVe), les empereurs moghols Akbar (XVIe) et son successeur Barbur (XVIe), l’Empereur sikh Ranjeeet Singh (XIXe ). Quel est celui qui donna l’impulsion nécessaire pour hisser en quelques siècles un artisanat local au sommet d’une industrie de luxe ? Sans doute tous car, chacun à sa manière, avança un pion. Misent bout à bout, les idées finirent par aboutir à la création d’une véritable institution au succès international dont nous sommes témoins au XXIe siècle. 

EN REMONTANT L’HISTOIRE

Les populations du Ladakh et des régions avoisinantes utilisaient un fin et délicat duvet pour se vêtirent déjà à l’époque de l’empereur Ashok (-IIIe ). Dès l’antiquité, ces longs rectangles en laine, légers et souples, étaient acheminés par les caravanes sur les routes de la soie de Srinagar jusqu’à Rome où le succès commercial les attendait.

LES CHAUSSETTES DU SULTAN

Syed Ali Hamadani, un émissaire perse, à l’occasion d’une visite au Ladakh fut émerveillé par les propriétés thermiques de la laine pashmina. On raconte qu’il peigna des chèvres, et fabriqua, avec le duvet, une paire de chaussettes qu’il offrit à Qutubdin, sultan du Kashmir à son tour séduit par la laine, il créa les  premiers de tissage de pashmina au Kashmir.  De Perse vinrent 700 tisserands qui s’installèrent dans les villes de Leh et de Srinagar partageant leur savoir-faire avec les artisans locaux.  Les sources persanes des termes techniques s’expliquent ainsi

UNE  NOUVELLE CORDE A SON ARC : L ARMURE SERGÉ

Capturé par les troupes  de Tamerlan,  le sultan Zain Albidin côtoya  durant sa captivité à Samarkand des artisans et des artistes. Devenu roi du Kashmir, il fit venir des teinturiers et des tisserands d’Asie centrale qui  introduisirent l’usage de l’armure sergé dans la région, améliorant ainsi la solidité des shawls.

UN EMPEREUR « À LA MODE »  

L’empereur moghol Jalâluddin Muhammad Akbar fut impressionné par les qualités des shawls du Kashmir, On raconte qu’il imagina un nouveau modèle en doublant le shawl, de manière à ne voir qu’un « recto, sans verso ». Durant son règne, les richesses s’étalaient dans les costumes de cour. Il plaça les ateliers de tissage du Kashmir sous « patronage royal », assurant ainsi leur perénité financière. Ce contrat perdura juqu’au XVIIIe siècle.

Le saviez vous ? A l’occasion d’un mariage, la tradition voulait que la mère de la mariée achète de la pashmina en vrac, la file et la tisse afin d’offrir un shawl à sa fille.  

LE KHIL-AT DE BARBUR

L’empereur Barbur, fut à l’origine de la mode du khil-at (robe d’honneur), un précieux cadeau offert à titre de récompense aux courtisans, aux diplomates, aux hauts dignitaires. Barbur, dit la légende, fit pression sur les tisserands pour que les shawls soient élargis de manière à pouvoir tailler dans l’étoffe des vêtements entiers ; encore un coup de pouce impérial pour le développement des manufactures !

UNE VISION EXTRA -TERRITORIALE

On raconte que les avis éclairés de l’empereur sikh Ranjeeet Singh propulsèrent le shawl sur le devant de la scène de la mode ; il devint un article d’exportation très prisé par la clientèle occidentale au XIXe siècle 

UN PARFUM D’EXOTISME EFFLEURA LA MODE EN EUROPE

L’importation par les britanniques de shawls brodés du Kashmir à la du XVIIIe, fut très favorablement perçue par les classes dirigeantes des sociétés occidentales. Au XIXe siècle, on note l’emballement pour ces articles rares dans toutes les cours royales et impériales européennes. Bonaparte rentra de sa campagne d’Egypte  avec un « cachemire » pour Joséphine, l’élue de son cœur. Ce cadeau ne la séduisit pas immédiatement, elle le trouvait laid, mais sa légèreté et sa chaleur suffirent à son plaisir. Cet accueil mitigé fut vite oublié car on sait que la future impératrice voua une véritable passion pour ces articles. Des témoins racontent qu’elle en possédait des centaines. 

Le saviez vous ?  On raconte qu’un jour d’hiver, le Tsar de toutes les Russies lui rendit visite à la Malmaison. Ils sortirent dans le parc après le diner. Oubliant son « cachemire »,  elle prit froid et mourut quelques jours plus tard. Une autre source légendaire prétend qu’elle aurait été empoisonnée.

Malgré quelques imprévus dans son parcours, cet artisanat de luxe trouva toujours la force de relever les défis économiques, politiques ou sociétaux.

Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture.

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