La flanelle et ses multiples visages

Voici l’automne qui pointe le bout de son nez « Saison des brumes et de la moelleuse abondance » (in Ode à l’Automne John Keats)

C’est la ronde immuable des saisons qui modifient avec élégance les couleurs du costume de dame nature. Nos amis les arbres revêtent leur habit automnal tout en demi-tons, une hésitation entre le roux et le brun, le vert s’éclipse et laisse le jaune prendre sa place. Ce changement s’effectue toujours avec douceur dans une parfaite harmonie, les couleurs de l’été indien sont propices à la rêverie des poètes.

Inéluctable, l’horloge du temps déroule sous nos pieds un mœlleux tapis de feuilles, tandis que les champignons s’installent dans les sous-bois des forêts et des parcs. Les habits d’été ont été rangés et, petit à petit, ils sont remplacés par des vêtements douillets mais pas encore trop chauds : voilà la saison de la flanelle arrivée. Cette étoffe est parfaite pour une garde-robe automnale avec ces jours plus courts mais encore ensoleillés qui annoncent les ciels bas, embrumés et gris, gris flanelle évidemment !

Flanelle de laine gris
Flanelle de laine gris

Une étoffe à la fois connue et inconnue

Elle s’est glissée dans les penderies, a recouvert les murs des appartements, s’est étalée sur les fauteuils, tout cela sans esbroufe, sans grand chamboulement, en douceur. On enfile son pantalon de flanelle sans y prêter attention, on s’assoie sur le fauteuil recouvert d’une flanelle sans y penser. Cette étoffe fait partie d’un quotidien où domine l’idée de confort.

Après ce cri d’amour pour ce lainage, je pense qu’une petite incursion dans son histoire n’est pas superflue, car la flanelle a indéniablement une histoire.

Les qualificatifs généralement associés à la flanelle sont de l’ordre de la gentillesse, de la bienveillance, de l’élégance : doux, moelleux, confortable, fonctionnel, chic, indémodable …

La flanelle est devenue une icône au point de nous faire oublier ses multiples facettes

De ses origines Galloises, elle a conservé la consonance étrange dans toutes ses formes. « Gwalen » qui signifie laine et flannen en dialecte gallois, le tissu est adopté par les anglais et le nom est adapté à la langue anglaise en flannel, puis il sera modifié par la langue française en flanelle, le mot perdra un N mais gagnera un L. Gallois, gaulois, anglais, français c’est un tissu fait pour l’entente cordiale dont nous avons tant besoin en ce moment. En France, la flanelle est fabriquée depuis le XIe siècle avec l’implantation des premiers moulins à foulon en Normandie.

Les multiples visages de la flanelle sont liés à la diversité de ses utilisations. Comme c’est le cas pour de nombreuses étoffes, en suivant leurs parcours, il est possible de découvrir les péripéties qui ont marqué l’histoire économique, sociale et culturelle d’un pays. Si beaucoup de tissus ont disparu, l’avenir de la flanelle semble assuré, elle est un des piliers de l’industrie de la mode. La flanelle en coton ou en laine, inonde les rayons des magasins, s’étale en photos sur les pages des magazines de mode, bref c’est le moment de faire sa connaissance.

En quelques décennies, la flanelle passa de l’ombre à la lumière ; de coupe de tissu, elle se fit vêtement, du tiroir elle passa dans le dressing, des sous-vêtements cachés aux vêtements du dessus exhibés, de l’antichambre elle se montra au salon, sans rien perdre de son pouvoir réconfortant.

Jusqu’au XIXe siècle, c’était une toile en laine cardée, assez rustique, plus ou moins épaisse mais chaude. Le chauffage des habitations n’étant pas très efficace, les citadins comme le villageois trouvaient un peu de chaleur en se couvrant avec des étoffes plus ou moins travaillées : d’abord des châles, des étoles, des couvertures qu’aujourd’hui nous nommons joliment plaid, puis avec des sous-vêtements en laine.

Avec le développement de l’industrialisation, la production de flanelle s’accrut et son prix diminua permettant à un plus grand nombre d’avoir accès à un lainage, avec malheureusement des qualités parfois trop médiocres. 

Les utilisations se multiplièrent : ceinture de santé, gilets, sous-vêtement, camisole, pyjama, peignoir, doublure…

L’usage des ceintures de flanelle devient courant en France lors de la grande invasion du choléra en 1832 et perdura de nombreuses années après l’épidémie.

La « ceinture de flanelle » était un produit couramment utilisé encore dans la première moitié du XXe siècle à la campagne. Les maillots de corps thermolactyl de Damart n’existaient pas encore, les microfibres n’étaient pas inventées et les t-shirt  magiques des japonais non plus. Alors, ces ceintures apportaient un réconfort certain, maintenant une douce chaleur dans la région épigastrique pour les personnes frileuses.

Un ouvrage paru en 1855 fut entièrement consacré à l’usage de la flanelle.

« la flanelle (fils, coton, laine) sert surtout à faire des sous-vêtements en contact avec la peau : gilet ou chemise. Elle préserve des brusques refroidissements car elle absorbe la sueur et ne la laisse évaporer que lentement. Si l’on est habitué à la porter on doit se garder de la supprimer par temps chauds. Elle n’est bienfaisante qu’à la condition d’être changée fréquemment : saturée de sueur et sèche, elle devient raide, n’absorbe plus et irrite la peau. Les ceintures de flanelle en maintenant une douce chaleur dans les régions lombaires et abdominale préservent des troubles intestinaux. Les flanelles dites irrétrécissables subissent un apprêt et un traitement spéciaux, de même que les flanelles dites de santé qui contiennent une proportion plus ou moins grande de fibres de tourbe destinées à absorber la transpiration et à éviter les refroidissements. »

La célébrité de la flanelle fut si grande à cette époque qu’il ne faut pas s’étonner de voir mentionner son nom mentionné à plusieurs reprises dans les pages des grands romans du XIXe siècle.

« Qu’est ce qu’il a donc le père Tellier ? Il tousse qu’il en secoue toute sa maison, et j’ai bien peur que prochainement il ne lui faille plutôt un paletot de sapin qu’une camisole de flanelle ! »

Madame Bovary. G. Flaubert

Les pyjamas, les robes d’intérieurs et les chemises de nos grands-parents étaient souvent taillés dans des flanelles de coton (fleurie, rayée), tissu gratté est très doux.

« Ce matin-là les Grégoire s’étaient levés à huit heures. D’habitude ils ne bougeaient guère qu’une heure plus tard, dormant beaucoup, avec passion (…) Mme Grégoire venait de descendre à la cuisine, en pantoufles et en peignoir de flanelle.. »

Germinal Zola

A la fin du XIXe siècle le port de sous-vêtements de flanelle de laine fut prescrit par un certain docteur Gustav Jäger et nombre de ses confrères. Les articles en laine, matière saine, devaient être portés à même la peau pour maintenir le corps dans une saine et douce chaleur. 

Les théories développées en Allemagne par Jäger sur ces tenues « hygiéniques » furent très convaincantes au point que certaines personnalités comme George Bernard Shaw furent séduites un moment par ce type de sous-vêtements. Le concept gagna l’Europe, en 1884. A Londres, Lewis Tomalin se lança dans la fabrication de sous-vêtements en laine sous la marque Jaeger, surfant sur la notoriété de Gustav Jäger dont les travaux avaient un grand retentissement. La marque Jaeger est encore très dynamique aujourd’hui. En France, à la fin du XIXe siècle, la société du docteur Rasurel voit le jour et propose des sous-vêtements révolutionnaires en laine. Son fondateur, Louis Neyron, importait de la laine d’Australie avec laquelle il fabriquait un fil qui, mélangé à de la ouate de tourbe, était tricoté pour donner naissance à des articles « révolutionnaires ». La qualité isolante de la laine associée aux qualités antiseptiques de la tourbe sont à l’origine de la notoriété de cette société qui, depuis, s’est fait une réputation dans la fabrication de maillots de bain.

Durant la guerre de 14/18, la flanelle de coton devient un élément indispensable dans le paquetage des soldats : la chemise en flanelle de coton faisait partie de l’uniforme. Unie, à rayures ou à carreaux, elles s’enfilaient par la tête.

La flanelle Sécuritas :  un éclair de génie, à la trappe du modernisme. Une combinaison de fibres animales et végétales laine/ lin n’aura vécu que l’espace d’un instant et pourtant l’idée était bonne.

La flanelle sortira du paquetage des soldats avec des galons et de solides références

Dans les années 30, la flanelle de laine a perdu cette connotation médicale. Elle s’invite dans le vestiaire masculin avec les vestes sportwear, souvent rayées, et proposées dans une gamme de couleurs variées. Les joueurs de tennis anglo-saxons vont offrir un lifting à cette étoffe en les portant sur les terrains de sport, le sportwear est né !

Et le parcours sans faute de la flanelle continue, elle s’affiche sur grand écran avec Fred Astaire et ses inséparables pantalons de flanelle.

 Une flanelle sinon rien ?

Peut-être. On raconte qu’Audrey Hepburn fit réaliser un cadre de flanelle pour y placer une photo dédicacée de Fred Astaire.

Dans les années 60, elle s’émancipe en prenant une place de choix dans le dressing féminin avec les tailleurs les manteaux, les jupes plissées.

Au XX e siècle, le mot flanelle avait une connotation essentiellement chromatique qui renvoyait au gris, un certain gris, le fameux gris flanelle qui eut le privilège d’être à jamais associé à cette étoffe au point que gris flanelle est devenu un pléonasme. Des produits qui n’avaient rien en commun avec le textile étaient étiquetés « gris flanelle » comme la peinture. C’était non seulement vendeur, la notion de flanelle grise était tellement ancrée dans l’imaginaire populaire, que le produit renvoyait le client potentiel à l’image positive de la flanelle douce, confortable, naturelle…

Il faut entrer dans les coulisses de la fabrication de cette étoffe pour mieux la comprendre et l’adopter si affinités.

Qu’est ce qui différencie la flanelle des autres tissus ?

Son aspect, sa douceur, sa souplesse, sa sobriété, ce gris inimitable, sa polyvalence et je finirai par sa suffisance qui passe à mon avis pour une qualité.

La flanelle mérite notre considération pour avoir réalisé ce tour de force de durer, d’affronter les ans sans prendre une ride, d’être parvenue à s’adapter aux modes, d’être devenue intemporelle et incontournable, d’avoir pris une place importante dans l’habillement et la décoration. Ainsi se justifie le qualificatif d’éminence grise.

Son aspect duveteux lui confère un toucher très doux, les fils en laine cardée lui donnent ce mœlleux et le tissage lâche lui offre une belle souplesse.

Ce supplément « d’âme » n’est pas naturel, il résulte « d’une opération esthétique » que l’on nomme foulage. C’est un passage obligé pour la finition des lainages à l’aspect feutré. Le but du foulage est d’obtenir une surface duveteuse plus ou moins visible selon l’intensité et la qualité du fil. Un fil de laine composé de fibres courtes sera plus ébouriffé qu’un fil de laine constitué de fibres longues. Ceci explique pourquoi il existe des flanelles en laine cardée épaisses dont la surface est recouverte d’un duvet et des flanelles en laine peignée plus fines avec une surface plus lisse.

On peut rapprocher foulage et feutrage. L’eau, la chaleur et la pression de la machine vont accroître le volume des fils en les ébouriffant. Tout l’espace vide qui existait entre les fils au moment du tissage est ainsi rempli. Les extrémités des fibres courtes vont s’entremêler et donner ce duvet si caractéristique.

« La propriété qu’ont les filaments de laine, quand on les presse en tous sens, de s’enchevêtrer … » (Jules Verne in L’île mystérieuse)

Il y a feutre et feutrer. Il convient de différencier le feutre et la flanelle bien que les deux étoffes aient subies un foulage. Le feutre est un textile non tissé, les fibres se sont agglomérées par l’action de l’eau, de la chaleur et d’une forte pression, alors que la flanelle résulte d’un tissage suivit d’un foulage. Le mot « tissu » ne s’applique qu’aux textiles tissés.

Avec une loupe, il est possible d’observer « les barbes » des fils. Le fût, normalement glabre et lisse, d’un brin de laine est ici recouvert d’une multitude de poils hirsutes, ce qui donne l’aspect flouté des rayures.

Son aspect chiné résulte d’une manipulation simple et efficace : la variété de gris est obtenue par l’addition, à la masse de fibres noires ou grises, d’une quantité plus ou moins grande de fibres blanches. Cet aspect n’est obtenu que lorsque la flanelle est teinte en fil, c’est à dire que le tissage s’effectue avec des fils déjà teints ou colorés naturellement avec un mélange de fibres de nuances différentes.

Il existe des flanelles teintes en fils avec de fines rayures (réalisées lors du tissage) : c’est la flanelle « tennis ».

Flanelle tennis
Flanelle « tennis »

Lorsque les rayures sont ultra fines, ce sont des rayures craie, car elles rappellent le trait d’une craie tailleur qui trace sur les tissus les différentes parties d’un vêtement qui seront ensuite découpées suivant le trait. Les rayures sont généralement verticales et colorées selon un code établi en bleu, rouge, vert, sur un fond marron, gris ou crème. A l’origine, ce type de flanelle rayée fut utilisée pour les blazers des joueurs de tennis britanniques.

La flanelle teinte en pièce, c’est à dire après le tissage, est unie mais la gamme de couleurs est variée : gris, rouge, vert, brun, bleu.

Ce qu’il faut savoir avant l’achat d’un article en flanelle

Seule l’opération de foulage demeure immuable pour que l’étoffe ait droit à l’appellation flanelle, la nature des fibres importe peu, coton, laine pure ou mélangée l’armure utilisée peut être toile ou sergé, la laine peut être en cardée ou peignée.

Une belle flanelle en laine cardée est relativement lourde, mais c’est le prix de l’authenticité.

Une flanelle en laine cardée trop légère avec un tissage lâche aura tendance à se déformer, à pocher vilainement aux genoux aux coudes ou sur les fesses.

Un conseil ? Si vous optez pour une flanelle légère, alors choisissez des modèles amples, évitez les vêtements trop ajustés ou cintrés. En ameublement, les flanelles au tissage serré sont plus adaptées pour tendre sur les murs et en tapisserie pour des assises de chaises. Les pantalons de flanelle en pure laine cardée sont d’un confort incomparable en hiver.

Aujourd’hui, même si le chauffage est performant dans nos habitations, se lover dans un plaid en flanelle reste un plaisir.  

Les fils utilisés pour le tissage des flanelles en laine cardée sont « construits » avec une multitude de brins de laine courtes, et l’usure se faisant au niveau des points de frottement (coudes, genoux, entre jambe, poigné, poches) le duvet à tendance à disparaître à ces endroits ou à boulocher.  La fatigue de vêtement devient visible si vous n’y prêtez pas attention. Si vous aimez la flanelle pure laine, cardée ou peignée, nul ne saurait vous en blâmer, et si vous aimez être impeccable, il faut respecter un cérémonial qui, s’il n’est pas déplaisant, est contraignant car il nécessite du temps et des vêtements de rechange. Agissez avec un pantalon ou une veste en flanelle comme avec un vêtement en cachemire. Il convient de faire un constat : les articles en laine ne se salissent pas aussi rapidement que les articles en fibres synthétiques. Inutile donc de laver ou de porter au nettoyage systématiquement les articles après chaque utilisation. Après l’avoir porté, secouer le vêtement avant de le mettre sur un cintre. Laissez-le reposer au moins une journée sur un cintre adapté dans un endroit paisible. Un cintre avec des extrémités assez larges pour les vestes, les pantalons doivent être suspendus par le bas à un cintre composé de deux barres rembourrées, les pinces marquent trop les tissus « tendres », le poids de la ceinture et des poches le tendent et évitent les plis. Ce cérémonial est destiné à redonner au tissu la force de se refaire une beauté, de reprendre du poil de la bête. En un mot, qu’il retrouve ses esprits et ses formes sans le secours d’un fer à repasser ! Si au moment de vous habiller, le vêtement n’est pas exempt de plis, un peu de vapeur lui rendra son allure, la laine va gonfler et les « rides » s’évanouiront. Il existe des appareils simples d’utilisation, peu encombrant, qui chauffent rapidement et qui diffusent de la vapeur. Ils sont utiles pour ceux qui n’aiment pas les faux plis mais qui adorent les belles matières. Il faut être british ou ne pas être amateur d’une belle flanelle.

Un pantalon de flanelle, c’est un confort assuré

La souplesse de l’étoffe offre à notre corps cet espace vital qui manque sérieusement dans les jeans « slim ». Le contact de la douce et mœlleuse laine sur la peau est un petit bonheur, un instant chaleureux, une rencontre agréable avec notre vêtement. Pour ceux qui ne supportent pas le contact direct de la laine sur leur peau, il y a la flanelle de coton ou pilou dont on fait des chemises, mais aussi des vêtements de nuit. A consommer sans modération pour les enfants ou les adultes qui aiment les madeleines de Proust.

Laver un pantalon en flanelle ? Non pour les articles en pure laine. Pour les pantalons de costume c’est le pressing. Oui pour les articles en laine et polyester !  Oui mais toujours avec les précautions d’usage pour les lainages. Laver en machine si elle possède un programme adapté, mais surtout pas de séchage en machine, sinon la bonne vieille méthode : lavage à la main, à l’eau tiède avec un savon neutre et laisser sécher loin d’une source de chaleur sur un cintre ou à plat. Dans ces conditions, le repassage sera, en principe, une étape superflue. Veillez à toujours repasser sur le vêtement encore légèrement humide, en prenant soin de ne pas trop appuyer le fer pour ne pas écraser l’étoffe.

Même pour les articles laine/polyester qui peuvent être lavés en machine, il est fortement conseillé d’alterner lavage machine et pressing pour les maintenir « en bonne forme ». Les plaids en pure laine, lavés à la main avec un savon doux et séchés à plat loin d’une source de chaleur, vous seront gré de cette attention et vous combleront de satisfaction lorsque les premiers frimas arriveront.

En ce qui concerne les articles doublés comme les vestes, le pressing est évidemment la solution. Mais ce mode de nettoyage a pour inconvénient de dessécher les étoffes, de les rudoyer. Alors, il faut choisir un bon teinturier si vous voulez conserver longtemps vos articles en « état de marche » et ne pas exagérer les passages au pressing pour les pures laines.

Pour les fauteuils, les assises de chaises, les flanelles laine/polyester sont appréciables au niveau de l’entretien peu salissant, solides, agréables au toucher, confortables, c’est la bonne idée. Les produits de détachages sont performants à condition de faire le bon choix adapté à la matière qui doit être traitée en évitant les produits agressifs, la laine se détache assez facilement avec les remèdes de grand-mère.

Si les articles en flanelle de coton apprécient le lavage en machine, ils ont besoin d’un bon repassage, surtout après un tour dans le tambour d’une machine à sécher.

Longtemps, trop longtemps, la qualité des flanelles laissa à désirer : des prix d’appel qui attirent le client, un tissu flatteur à l’œil à l’état neuf, agréable au toucher doux et moelleux mais un tissage trop lâche, une laine cardée de qualité médiocre. Le tissage lâche pouvait avoir des conséquences négatives sur la longévité du vêtement.

L’armure toile est la plus couramment utilisée. Pour les flanelles de laine cardée, on ne la remarque pas ou peu, car elle est recouverte par le duvet. L’inconvénient est la capacité de la toile à se déformer, surtout lorsque le tissage est trop lâche, les fils trop fins et la qualité de laine médiocre. Comme toute action opérée sur les fils pour modifier leur apparence, le foulage a tendance à fragiliser les fils. Les fils de laine cardée sont moins solides que les fils en laine peignée. A l’achat, il est préférable de choisir une belle qualité si vous optez pour une flanelle en pure laine cardée.

Soit la flanelle de laine cardée est épaisse et tout va bien, soit la flanelle de laine cardée est trop légère et le vêtement a tendance à se déformer, à se détendre assez vite au niveau des genoux et à « pocher » sur les fesses.  Il en va de même pour les pantalons et les jupes droites.  Ces abus furent à l’origine de l’expression populaire « avoir les guiboles en flanelle », autrement dit les jambes ont du mal à supporter le corps ; sans force, elles sont molles comme la flanelle de mauvaise qualité.

Rassurez-vous ! Les tissages se sont améliorés et l’idée si négative de la flanelle évoquée dans cette expression peut être oubliée.

Une étoffe qui n’est pas restée sur le bord du chemin du progrès

Les tisseurs utilisent des fils mélangés animales/synthétiques, chacune apportant ses qualités pour donner un produit performant adapté à la demande. Si vous recherchez le coté fonctionnel, les flanelles mélangées sont faites pour vous. Ainsi, vous ne serez pas privés du confort et l’entretien sera facilité.

L’opération de foulage fragilisant les fibres, les fabricants ont trouvé une solution : en ajoutant à la laine cardée un pourcentage variable de fibres synthétiques (nylon ou polyester), la faiblesse du fil est maitrisée, octroyant au tissu une plus grande solidité.

Le mélange laine/polyester permet un plissé permanent (jupe) et, tout en augmentant la tenue du tissu, il simplifie son entretien. Le polyester va renforcer la solidité du fil au risque de dénaturer le coté naturel si son pourcentage est trop important. C’est un peu comme un produit de maquillage trop présent. Le bon dosage pour le plissé est 50/50, mais pour une autre destination, 15 à 20% de polyester semble correct.

Une féminisation depuis quelques décennies

Jupes, tailleurs, vestes ne sont plus des intrus dans le dressing féminin. Si l’envie d’une jupe plissée en flanelle vous tente, sautez le pas et choisissez une flanelle laine/polyester pour avoir un plissé permanent.

Le plus est parfois l’ennemi du bien. L’élasthanne, toujours et partout. Difficile aujourd’hui de trouver un pantalon de flanelle pour homme en pure laine cardée ou peignée sans la présence d’élasthanne.

Or, un tel article n’a pas besoin du secours d’une béquille. C’est pour cette raison que je préfère le 100% laine. Alors, oui à l’élasthanne parce que la qualité de la laine nécessite une aide ou si le mélange laine /polyester a besoin d’un troisième acolyte mais, de grâce messieurs les fabricants, laissez vivre la pure laine qui peut se passer d’un tuteur.   

D’autres tisseurs proposent des flanelles armure sergé et laine peignée. La surface est grattée mais le duvet sera à minima, laissant apparaître l’armure, la main est plus ferme, le tissu plus léger et rivalise avec les supers 100s. 

Pour la flanelle en laine peignée armure sergé, la teinture se fait sur les fils avant le tissage.

La flanelle en laine peignée est un tissu qui convient aux vêtements de saisons intermédiaires. Plus « tièdes » que chauds, ils sont légers, confortables et conservent encore l’image de la tenue des beaux jours.

Ce sont des produits plus « haut de gamme » qui ont droit à l’appellation Flanelle puisque le tissu a subi un foulage. Cependant, elles s’éloignent physiquement de l’idée que l’on se fait de cette étoffe.

Le terme flanelle peut aussi s’appliquer à une étoffe de coton ou flanellette qu’on nomme aussi « pilou » ou coton gratté.

L’une des deux faces de ce coton est rendue « poilue » par grattage. Ce terme s’applique à une serge de coton qui subit la même opération que la laine, c’est à dire le « lainage ou le garnissage ». Le but est de rendre l’étoffe plus chaude en augmentant son pouvoir couvrant et en lui donnant un gonflant plus important qui nuit sensiblement à sa solidité. Le fait que les fibres soient « barbues » implique que l’étoffe n’est pas en contact direct avec la peau ou avec une autre étoffe, ce qui permet à l’air de circuler entre la peau et le tissu, ou entre deux étoffes. Ainsi, se crée une barrière thermique entre l’extérieur et notre corps. L’air est un bon isolant donc une étoffe en laine cardée ou en coton gratté sera plus chaude qu’une étoffe en laine peignée ou une simple cotonnade. CQFD !

Moins isolantes que les flanelles de laine, elles sont destinées à un autre usage. Cette étoffe trouve des applications dans le linge de nuit. En effet, les draps housse en flanelle de coton sont des produits courants et les vêtements de nuit : pyjamas mais aussi les traditionnelles chemises à carreaux chaudes et confortables à souhait.

La percée de la flanelle dans l’ameublement

La flanelle est devenue l’amie des décorateurs d’intérieur. Désormais, elle est proposée dans les catalogues de décoration : rideaux, sièges ou canapés, la flanelle sait s’adapter.

Le tissage des flanelles « en laine peignée » est serré, ce qui donne de la tenue et de la fermeté à l’étoffe, la surface est plus lisse, la solidité n’est plus à démontrer, idéale pour l’ameublement. La laine utilisée est exempte de toute impureté, retirées au cours du peignage, les fils sont plus fins et le tissu plus sec, moins chauds certes, qu’une flanelle en laine cardée, mais pour l’ameublement, cette qualité n’est pas essentielle.

Les flanelles en laine cardée ont un aspect plus rustique, moins conventionnel, les fils sont plus épais, le tissage plus grossier et plus lâche, la surface duveteuse, le tissu plus moelleux. L’usure plus rapide n’est pas idéale pour les sièges, mais le beau drapé est intéressant pour les double-rideaux.

A utiliser si l’on veut donner un air « clean » une ambiance zen à une pièce. En tenture murale, le gris chiné apporte une touche masculine. De préférence en laine peignée, le tissu plus lisse n’offre pas la possibilité à la poussière de s’y fixer.

Puisque vous connaissez maintenant les différentes qualités de flanelle, vous pourrez choisir celle qui conviendra le mieux à l’usage que vous lui destinez et vous choisirez avec pertinence la qualité adéquate.

Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture.

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