UN COUP DE CHAPEAU A LA VANNERIE 

Bien qu’en Avril le dicton incite à ne pas se découvrir d’un fil, j’ai choisi de vous faire découvrir au fil des siècles la rocambolesque histoire du mythique panama, peut-être le plus célèbre des articles de vannerie.Comment un banal chapeau de paille est-il devenu un « must to have » ? C’est précisément la raison de ce post. Depuis la préhistoire, sous des formes différentes et des noms d’emprunt, il a traversé les océans, conquis les populations des cinq continents, permis de financer une révolution, résisté aux crises économiques et vaillamment tenu tête à la concurrence des produits industriels. De fait, il est intimement lié à l’histoire de l’Equateur. 

LA VANNERIE UNE, TECHNIQUE PLUS ANCIENNE QUE LE TISSAGE  

« L’enchevêtrement des fibres d’un panier ou celui d’une étoffe peuvent être identiques sans qu’on les considère comme appartenant à la même catégorie technique » Leroi-Gourhan

Le saviez-vous ? Vannerie, de van, terme emprunté au latin vannus : panier en osier à fond plat utilisé jadis par les paysans pour séparer les bons grains de l’ivraie. 

Le vannier tresse des fibres discontinues et flexibles à mains nues pour fabriquer des objets domestiques servant à transporter, stocker, pêcher, filtrer, presser, éventer, sécher, dormir, se parer, et parfois se vêtir. Le tisserand entrecroise dans un certain ordre des fils souples et continus à l’aide d’un matériel et d’outils plus ou moins sophistiqués pour obtenir un tissu à usages multiples.

LA STAR DES CHAPEAUX DE SOLEIL ET LE CHAPEAU DES STARS

Ce n’est pas une couronne mais un chapeau de paille, écru ou blanc, à bord plus ou moins large, ceinturé d’un gros-grain de couleur, qui couvre les têtes de bien des personnalités du monde politique et de l’univers artistique. Leur notoriété joua un rôle certain dans l’accession à la postérité de cet accessoire. Cependant, cela me semble insuffisant pour comprendre cet engouement de toutes les catégories de population. Une part de mystère subsiste…   

Le saviez-vous ? Napoléon 1er emporta, lors de son exil à Ste Hélène, son bicorne à cocarde tricolore et un panama, probablement un montecristi superfino. Lorsqu’il sortait au jardin, il revêtait une veste et un pantalon de nankin sans oublier son panama. Cette tenue amusait les jardiniers et l’empereur souhaita que chacun d’eux possède aussi sont petit chapeau de paille.

Exil de Napoléon 1er à Sainte-Hélène

USURPATION D’IDENTITE

Au-delà de la légende, une ombre plane sur ce “sombre héros“ : l’appellation « panama », apparue au XIXe siècle, résulte d’une méprise. Les exportations vers l’Europe, l’Asie ou les Etats unis, des produits fabriqués en Equateur empruntèrent, des siècles durant, la seule route possible qui passait par l’isthme de Panama. Les colis étaient estampillé Panama par les douaniers, seule information à destination des clients, le lieu de fabrication étant effacé au profit du lieu d’expédition. 

RENDRE A CESAR…

La logique voudrait donc que l’on parle d’un équateur et non d’un panama, mais changer les habitudes est plus difficile que changer de nom. En Equateur, c’est encore et pour toujours, le sombrero de paja toquilla. Seuls les touristes parlent de panama.

BIS REPETITA OU PRESQUE

Voir la paille dans l’œil de son voisin et ne pas voir la poutre dans le sien. Ce proverbe ne s’appliquerait-il pas aux équatoriens ? Le sublime panama superfino montecristi, bien que fabriqué dans le village de Pile, est commercialisé dans la ville voisine de Montécristi. Cette fois encore, le lieu de commercialisation l’emporte sur le lieu de production.

OFFICIALISATION D’UN MALENTENDU

En 2012, le “panama palm hat“ fut classé au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Comment ne pas regretter que la terminologie panama soit, de fait, considérée comme acquise ? 

TROMPETTES DE LA RENOMMEE SONNEZ !

La renommée internationale du panama, acquise au XIXe siècle, ne s’est jamais démentie. En 1944, ce couvre-chef devint le plus important produit d’exportation d’Equateur. En 2009, l’institut équatorien de la propriété intellectuelle reconut l’Appellation d’Origine Contrôlée du panama (à condition de respecter le tressage manuel, l’utilisation exclusive des fibres du carludovica palmata et la fabrication dans une localité équatorienne).  En 2012, ce fut l’apothéose avec la consécration du panama hat par l’Unesco.

L'artisan et designer Reinaldo Quiros parle du chapeau traditionnel panaméen pintao, à La Pintada, au Panama. Les autorités culturelles de l'UNESCO ont reconnu les artisans du Panama pour leurs chapeaux tissés distinctifs appelés Pintao. (Arnulfo Franco / AP)
L’artisan et designer Reinaldo Quiros parle du chapeau traditionnel panaméen pintao, à La Pintada, au Panama. Les autorités culturelles de l’UNESCO ont reconnu les artisans du Panama pour leurs chapeaux tissés distinctifs appelés Pintao. (Arnulfo Franco / AP)

« LE PANAMA HAT » N’EST PAS A UN PARADOXE PRES

Le chapeau de fine paille, accessoire emblématique des classes populaires amérindiennes, est devenu au fil des siècles, un article de luxe et même de grand luxe ; le summum de l’élégance, une pièce incontournable du vestiaire des dandy et le compagnon de tête préféré des globe-trotter, élégants jusqu’au « sommet ». 

Le saviez-vous ?  La valeur d’un montecristi « ultrafino » peut atteindre des sommes faramineuses qui dépassent l’entendement. On raconte qu’en 1934, au casino de Monté Carlo, un joueur de Baccarat à court de liquidité proposa son montecristi ultrafino modèle Fedora avec un ruban bordeaux, en guise de mise de 1 000 $.  La direction accepta, le joueur impénitent mais chanceux, joua gagna et garda son chapeau de paille.

DE LA FORET EQUATORIALE AUX PODIUM DES FASHION WEEKS 

A l’époque pré-hispanique, Les recherches archéologiques de la culture Valdivia en Équateur prouvent l’existence de coiffes en paille, tressés dès l’an 4 000 av. J.C. Les amérindiens avaient à leur disposition de nombreux végétaux qu’ils utilisaient pour se vêtir et se protéger. Les feuilles du latanier et du bombanaxa servaient au tressage des premiers « sombrero de paille » puis, délaissées à cause de leur fragilité, elles furent remplacées par les feuilles du palmier Astrocaryum standleyanum ou mocora  qui peut atteindre 15 m de haut et dont le  tronc  est hérissé d’épines. Pour contourner cet « obstacle » les indigènes fixaient un outil tranchant au bout d’une longue perche pour récupérer les feuilles qui, découpées en fines lanières, bouillies puis séchées, servaient à tresser les sombreros de paja mocora.  La paille fine et solide fournie par une herbacée endémique de la région de Manabi, de la famille des cyclanthaceaes, sorte de palmier sans tronc aux larges feuilles en forme d ‘éventail est, aujourd’hui encore, toujours utilisée.

En 1532,les conquistadors qui débarquèrent en Equateur furent intrigués par les curieux vêtements qui couvraient la tête des natives. Il s’agissait de coiffes en paille tressée en forme d’ailes, destinées à protéger la tête, la nuque et les épaules des paysans, du soleil comme de la pluie.  

 Le saviez-vous ? Les étrangers comparaient la finesse du tressage et la forme particulière de ces protections solaires, aux ailes des chauves-souris. ils allèrent jusqu’à imaginer qu’elles étaient fabriquées avec la peau des ailes de ces chiroptères. Cette idée fut rapidement chassée lorsque, à leur tour, ils adoptèrent ce chapeau de paille plus léger et mieux adapté au climat que leur casques. 

Au XVIIe siècle :

En 1636, Fransico Delgado, entrepreneur espagnol venu s’installer en Equateur, vit le potentiel économique des sombreros de paja toquilla. Visionnaire, il « révolutionna » l’artisanat local, créa des ateliers structurés à Montecristi, ville qui, depuis, est un des principaux centres de fabrication de panama, la paille mocora  étant remplacé par la paille des cyclanthaceaes, le  modèle de coiffe à « deux pans »  fut  abandonné pour une forme plus occidentale, une petite toque, d’où l’appellation sombrero paja toquilla ou petite toque en paille.

  XVIIIe siècle : Charles IV, roi d’Espagne, commanda aux colons ces petits chapeaux de paille pour son épouse Ludovica. La noblesse n’eut de cesse d’imiter la coiffure de leur reine. Curieux, le roi envoya deux éminents botanistes en Equateur pour obtenir une description précise de cette plante qui servait à la fabrication de ces sombrero. A leur retour, ils donnèrent une description minutieuse de la cyclanthaceae. C’est donc en hommage au roi et à son épouse que cette herbacée fut baptisée carludovica palmata.

1867. Lors de l’exposition universelle de Paris, le Panama invité à exposer ses produits, offrit à Napoleon III un sombrero de paja toquilla. L’erreur fut alors consommée car l’Equateur n’était pas inscrit sur la liste des nations représentées à Paris. Le panama ne fit jamais amende honorable et laissa la légende étendre son aura sur le vaste monde de la mode. Les journalistes firent leur travail en décrivant l’empereur arborant un chapeau de paille du Panama. Son épouse Eugenie de Montija resta fidèle au chapeau de paille d’Italie aux larges bords, comme le montre ses nombreux portraits réalisés par le peintre Winterhalter.

Le saviez-vous ? Le canotier, chapeau de paille rigide, fut concurrencé par le panama plus moderne, plus souple, et si pratique pour les voyageurs. Les parisiens, friands de nouveautés, se laissèrent convaincre par ce nouveau venu et cet engouement laissa un trace que les artistes reprirent à l’unisson en chantant les belles romances de Paname.

1870.  Eloy Alfaro Delgado prit la direction de l’entreprise familiale basée à Montecristi tout en ayant des prétentions politiques. Contraint à l’exil, il se réfugia au Panama où il ouvrit un comptoir d’import-export de chapeaux de paille qui lui permit d’écouler la production des ateliers équatoriens vers l’Europe, l’Asie et les Etats Unis. Delgado utilisa les bénéfices tirés des ventes de panama pour financer le soulèvement populaire équatorien de 1870.  Il fut, à deux reprises, élu président de la république équatorienne.  

En 1880, débuta le gigantesque chantier du percement du canal de Panama qui se termina en 1914.  Des milliers d’ouvriers y travaillèrent, dont de nombreux équatoriens venus en voisins, avec leur sombrero. A la suite de bon nombre d’insolations et de malaises, les autorités sanitaires imposèrent à tous les ouvriers le port d’un chapeau pour se protéger du soleil. Le sombrero de paja toquilla, adopté par les ouvriers, devint la vedette du chantier du canal de Panama. 

Vous le saviez ! Nul ne fit allusion à l’Equateur, encore écarté du succès.

1882. Naissance de la légende de l’iconique modèle Fédora de la maison Borsalino, qui sera décliné ensuite en fine paille. C’est à la grande Sarah Bernhardt que ce modèle doit son aura.  C’est, en effet, coiffée d’un feutre mou que l’actrice joua le rôle de Fédora dans la pièce éponyme de Victorien Sardou. Qu’importe si son chapeau n’avait pas la forme du Fédora d’aujourd’hui, les légendes ont la vie dure.

 Le saviez-vous ?  On raconte que le creux, ou pli central, qui caractérise le dessus du Fédora fut inspiré à Monsieur Borsalino par les coups de matraque que les policiers assénaient sur la tête des partisans de l’unification italienne, écrasant leurs chapeaux lors des violentes répressions des manifestations pour l’unification de l’Italie. 

En 1906, lors de sa visite au chantier du canal de Panama, la direction offrit un sombrero de paja toquilla à Théodore Roosevelt. Lorsqu’il répondit aux acclamations de la foule, il la salua à son tour en agitant la main qui tenait son chapeau de paille. Sur la photo iconique du président des Etats-Unis à Panama c’est surtout l’image de son panama hat qui fit le tour du monde. Alea jacta es, les équatoriens ne pouvaient plus redresser la barre.

Le 7ème art fit la part belle au panama hat, qui parvint à chiper la vedette aux stars, notamment à Paul Newman, dans “the long hot summer“, ou encore à Dirk Bogard dans “Mort à Venise“.

Les grands noms de la haute couture internationale n’hésitent pas à faire défiler sur les podium des mannequins coiffés d’un panama montécristi ou cuenca, portant ostensiblement le sigle de leur propre marque. Ce signal est un blanc sein pour les fashionistas.

LA BANDE DES TROIS : LE BASIQUE BRISA – LE CLASSIQUE CUENCA – LE TRES SOPHISTIQUE MONTECRISTI  

Il existe trois types de panama protégés par une A.O.C. Ils se différencient par le « point » de tressage, le diamètre des fibres et leur couleur, mais ils ont en commun une fabrication dans une localité équatorienne, un usage exclusif de la paja Ludovica palmata et un tressage manuel. Selon la finesse des fibres, la fabrication d’un chapeau peut prendre entre deux jours et quelques mois. Mais avant que celui-ci ne prenne forme, il y un travail complexe de préparation des fibres.

Les trois critères de qualité sont : l’homogèneïté de la couleur, la finesse de la fibre et la régularité du tressage.  

A woman weaving a Panama hat, also known as the traditional brimmed straw hat made of the Toquilla palm, is on the Unesco Intangible Cultural list and famous from the city of Cuenca, Ecuador.

Le brisa est le panama le moins onéreux, mais il respecte les points forts de la tradition. Le tressage est similaire à l’armure panama utilisée par les tisserands. Il en résulte une succession de petits carrés, la souplesse des fibres est relative, c’est pourquoi il ne peut se rouler ni se plier sans dommages irréversibles. 

Le cuenca est vraiment produit dans la ville de Cuenca. C’est un article moyen de gamme, caractérisé par un tressage en chevrons, avec une paille fine, d’un blanc pur. Le blanchiment se fait en deux temps :  la paille est bouillie pour éliminer la chlorophylle, puis blanchie à la javel. Les ouvriers travaillent assis pour le brisa et le cuenca. Le stock important permet un achat immédiat.   

Le montecristi est un chapeau de paille hors normes tant au niveau de la qualité que du prix. Il existe trois qualités qui se distinguent par la finesse du tressage le fino, le superfino et l’utrafino. Les artisans respectent la tradition ancestrale : ils travaillent debout penchés sur leur ouvrage, les fibres sont toujours séchées à l’air libre ; certains disent à la pleine lune, puis blanchies à la fumée de souffre pour éliminer la chlorophylle, ce qui explique la couleur ivoire et non un blanc pur. Le rythme du travail se calque sur celui de l’ouvrier, pas sur celui de la machine. 

Le saviez-vous ?  C’est in the pocket ! Plus le tressage est serré, plus les fibres sont fines, plus l’article est souple et léger plus la magie opère : on peut faire d’un panama montecristi un origami : le plier et le déplier sans dommage collatéral. 

Du merveilleux, passons à l’extraordinaire superfino montecristi que seuls quelques artisans aguerris sont encore en mesure d’exécuter. Considéré par les professionnels comme une pièce d’exception comparable au chef d’œuvre des compagnons. Ces articles sont généralement tressés avec une seule feuille de carludovica palmata, en sachant qu’elle peut atteindre jusqu’à 6 m de long . Le tressage peut durer quelques mois, parfois plus d’une année, le prix est en conséquence. Pour toutes ces raisons, ces articles d’exception ne sont fabriqués que sur commande. 

LA MAINTENANCE EST DE MISE 

Si votre sombrero de papa toquilla a trop voyagé, s’il est fatigué, si vous le trouvez hors d’usage, vous pouvez le retourner à l’atelier où il sera remis à neuf. Une seconde jeunesse, les rides effacées, la blancheur retrouvée.

En attendant, vaporisez la calotte et les bords avec une eau fraîche et repassez au fer doux le rebord, puis laissez reposer à l’ombre. Autre solution : achetez directement deux panamas.

A CHACUN LE SIEN : LE PINTAO SYMBOLE IDENTITAIRE PANAMEEN

Un chapeau de paille ivoire, souligné de fines rayures noires ou brunes. Contrairement au sombrero de paja toquilla tressé d’un seul bloc, le sombrero pintâo est composé de plusieurs tresses cousues en spirales sur une forme en bois. Le sombrero “pintâo“ ou chapeau peint, est porté traditionnellement par les panaméens. Seul le touriste non averti en visite au Panama se contente d’un panama : double erreur.

 EPILOGUE : TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN

Après le panama en 2012, c’est le sombrero pintâo qui fut classé au patrimoine immatériel de l’humanité par UNESCO en 2017.

POST CRIPTUM : LE MYSTERE DE LA BOTTE SECRETE   DU PANAMA

Mais pourquoi les stars adoptent-elles ce couvre-chef plutôt qu’un autre ?  Après avoir fait des recherches pour écrire ce post, le mystère s’éclaircit. Plus qu’un phénomène de mode, plus qu’un article fonctionnel qui se plie et se déplie sans broncher, il attire l’attention, il passionne l’auditoire, il ravit les curieux, il étonne par son CV prestigieux, il se découvre pour vous.

Le saviez-vous ?  Ces trois “fossettes“, des creux visibles de chaque côté et au milieu contribuent au confort du panama ; elles permettent de le saisir facilement d’une seule main pour l’enlever.

Cet objet, a priori inanimé, a-t-il donc une âme ?  Peut-être !  Entre ses mailles, se cachent un condensé de sensations, d’émotions, de sensualité que les artistes ou les politiciens de haut vol à la sensibilité exacerbée peuvent percevoir. Chaque authentique sombrero de paja toquilla est une pièce unique, chaque artisan parsème chacun de ses ouvrages de son savoir-faire, chaque heureux possesseur d’un panama partage cet héritage culturel et, oserais-je dire, cela n’a pas de prix ?

Le saviez-vous ? Certains panama montecristi portent la signature de l’artisan. En 2008, Simon Espinal, un artisan de Pile, village proche de la ville de Montécristi, tressa « The Hat »,  le panama superfino montecristi le plus fin jamais réalisé et le plus cher jamais mis sur le marché ; chef d’œuvre d’une vie, évalué à 100 000$.

Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture.

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