Les secrets de la soie

Si les fibres textiles naturelles sont chargées de l’histoire du monde, on peut considérer que la soie constitue à elle seule une part importante de la mémoire textile, économique, sociétale et culturelle d’un grand nombre de civilisations.

L’invention du vêtement ne fut pas un acte spontané mais volontaire, et les motivations de l‘homme furent diverses et indépendantes les unes des autres : la parure, la protection, la pudeur. C’est sans doute par la parure, désir de séduire, que tout à commencé. Ainsi, la soie occupe depuis près de 5000 ans une place prépondérante dans l’art et la manière de se parer. En cette période festive du mois de décembre, je vous convie à une promenade au pays des soieries, en empruntant des chemins détournés, ponctués d’escales où défileront taffetas, mousselines, satins et bien d’autres mythiques étoffes.  

Soie Pompadour Tassinari et Chatel
Soie Pompadour – Tassinari et Chatel

UNE CERTAINE IDÉE DU LUXE :

« Le luxe ce n’est pas le contraire de la pauvreté, mais celui de la vulgarité » 

Coco Chanel.

Si cette fibre est parée de tous les superlatifs, il en est un qui, malheureusement, n’est pas positif, excessivement onéreux. Dés son origine, l’usage de la soie fut réservé à l’empereur et aux membres de sa famille. Son usage dans les habits masculins fut introduit à Rome sous Tibère, Caligula parut le premier en public en robe de soi. Sous le règne d’Aurélien, la soie se vendait au prix de l’or.

« Aurélien n’avait pas une seule robe holoférique dans toute sa garde-robe, aussi refusa-t-il  à l’impératrice sa femme le manteau de soie qu’elle lui demandait, en lui donnant pour raison qu’il n’avait garde d’acheter des fils au poids de l’or » in Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. 1751

Aujourd’hui, la soie n’est plus un luxe inaccessible, c’est un produit presque banal, qui s’est démocratisé tout en conservant l’image d’un produit d’exception.

LES ROUTES DE LA SOIE

L’expression « route de la soie » fut imaginée qu’au XIXe siècle par le baron Von Richthofen, géographe allemand.

C’est un enchevêtrement de chemins reliant l’Orient à l’Occident qui devint une voie essentielle de communication entre les peuples. Facilitant le transport de marchandises en offrant une relative sécurité aux caravaniers, cette route eut un impact plus important encore, véhiculant des idées, des croyances, des philosophies et des techniques, permettant des échanges culturels entre les civilisations. La création de ce réseau complexe de voies de communications terrestres et maritimes fut mis en place petit à petit. A partir du IIe siècle av J.C, il devint opérationnel. Jalonnée de périodes plus ou moins fastes, la route de la soie fut progressivement abandonnée d’un point de vue commercial à partir du XIIIe siècle, période qui coïncide avec le développement de la sériciculture en Occident.

« LE HASARD ET LA NECESSITE »

Il serait plus juste de remplacer le terme création par découverte. En effet, les lépidoptères fabriquaient leur cocon bien avant que l’homme pris conscience du potentiel économique qu’il pouvait tirer en transformant cette petite coque en « un fil d’or ».

La découverte de la soie est entourée de nombreuses légendes, la plus jolie, si ce n’est la plus vraisemblable, est à mon avis celle contée dans le livre des Odes de Confucius : la princesse chinoise Xi ling Shi, buvant son thé sous un chêne, fut surprise de trouver un cocon inopinément tombé dans sa tasse princière et, désirant le sortir du liquide chaud, elle prit un fil et, à sa grande surprise, elle le déroula sur une grande longueur, dévidant ainsi une partie du cocon. Eblouie par la beauté de ce fil, elle fit récolter des milliers de cocons, demanda à ce que l’on tisse avec ces fils une robe, cadeau qu’elle destinait à l’Empereur Huang Di, l’Empereur Jaune (2698-2598).

LE PAYS DES SERES, LE PAYS DE LA SOIE ?

Plusieurs hypothèses coexistent au sujet de l’origine du mot soie.

Peut être du latin seta au sens de poil, crin d’animal, soie de porc, crinière de cheval, mais je préfère la seconde proposition, qui incite au voyage vers l’inconnu.

Dérivé du latin sericum, nom donné par les romains à un peuple lointain qui aurait connu le secret de la soie : les sères vivaient en Sérique le pays de la soie, territoire aujourd’hui appelé Chine. Sericum serait donc à l’origine du mot sériciculture, technique très codifiée de l’art de domestiquer et d’élever la chenille du bombyx du mûrier.

La soie fut une véritable manne financière qui permis à l’empire du milieu de faire du troc avec les peuples étrangers. Cependant, les transactions commerciales stipulaient que seule la soie sous forme de fil, de métrages de tissus ou de produits finis comme les vêtements pouvait passer les frontières. Tout individu surpris à passer en fraude des œufs ou des cocons de vers à soie du bombyx du mûrier risquait la peine de mort. C’est au prix de bien des efforts que les gouvernements chinois successifs conservèrent le monopole de la production de la » soie naturelle » pendant des siècles.

QU’EST CE QUE LA SOIE ?

Tout commence et tout finit avec le cocon, habitat provisoire d’une chenille qui après s’être métamorphosée en chrysalide peut devenir papillon si on lui en laisse l’occasion. Architecte de son abri ou tailleur de son costume, ce lépidoptère est d’une incroyable habileté. Arrivée à un certain stade de son développement, la chenille secrète un liquide gluant nommé bave, qui se coagule au contact de l’air et qui lui permet de se fabriquer un abri confortable solide qui lui permettra d’effectuer ses changements de phases en toute sécurité. Le cocon est construit avec un seul fil qui peut mesurer jusqu’à 1500 m dans le cas des cocons du bombyx du mûrier.

Bombyx du mûrier
Bombyx du mûrier

La soie proprement dite est constituée de fibroïne, matière centrale du brin, blanche et souple. Elle est enrobée par la séricine, sorte de gaine de protection soluble dans l’eau.

DU COCON AU FIL

Le cocon du vers à soie domestiqué est blanc, sa forme assez régulière plutôt ronde et sa surface relativement régulière. Les cocons ne sortent pas d’un moule, ils sont donc à peu près identiques.  Cette imprécision est logique car il s’agit d’une production artisanale, comparée à la production industrielle des fibres chimiques dont les formes sont programmées par l’homme.

Le cocon des vers à soie sauvages ou semi domestiqués est plus ou moins coloré, la gamme est étendue :  beige brun, vert, jaune… En cause, les différentes matières ingérées par les chenilles qui colorent la séricine ; mais à l’intérieur de cette gaine protectrice, la fibroïne est toujours blanche. Par leur forme irrégulière, leur volume, leur poids, ces « objets » ressemblent à des cacahuètes.   

Le fil de soie se présente sous des aspects divers, en fonction des traitements auxquels il est soumis. Le décreusage et le moulinage sont les deux plus importantes opérations auxquelles les brins de soie sont soumis. Le filage ne concerne que les fibres courtes obtenues après le dévidage incomplet des cocons des vers à soie sauvages.

L’opération de filage s’avère inutile pour les cocons des vers à soie domestiqués. Le dévidage s’effectue simultanément avec une dizaine de cocons. Les brins très fins, réguliers et continus sont alors soudés entre eux et forment un fil qui, à ce stade, manque encore de vigueur pour affronter les différentes opérations qui le mèneront jusqu’au métier à tisser. Le moulinage confère ensuite au fil une torsion savamment dosée qui lui assure une solidité qui le rend apte au tissage.

Le décreusage consiste à dissoudre tout ou partie de la séricine, qui enveloppe la soie, afin de rendre visible brillance et souplesse, qualités cachées par le grès.

-le fil totalement décreusé est souple, brillant et blanc. C’est la soie cuite.

-le fil partiellement décreusé acquiert souplesse, un lustre discret et une blancheur relative : c’est la soie souple.

-le fil non décreusé : c’est la soie crue ou grège. Raide, colorée, terne.  

Le moulinage consiste à donner aux fils de soie une torsion dont l’intensité est variable afin d’assurer une bonne cohésion des brins et la solidité à l’ensemble.

Ainsi, ces différents fils vont transmettre aux étoffes une partie de leurs spécificités. Le choix de l’armure complétera la personnalité d’une soierie.

Quelles sont les qualités intrinsèques de la soie qui la rendent si désirable ?

Une habileté à jouer avec la lumière.

Une robustesse qui se cache sous une apparente fragilité : à finesse équivalente un fil de soie est plus solide qu’un fil d’acier.

Un fort pouvoir d’absorption qui rend les étoffes de soie si confortables et qui accentue une affinité avec la teinture : la soie boit la couleur avec gourmandise.

Une capacité naturelle à adapter ses performances thermiques en fonction du climat. Cette fibre possède un pouvoir magique : chaude en hiver, fraîche en été. Tissés ou tricotés, les articles en soie sont d’excellents isolants.

Coussin Jungle Fever Rectangle
Coussin Jungle Fever Rectangle – Mariska Meijers

IDENTIFICATION DE LA SOIE 

Le plus simple parfois c’est de lire l’étiquette de composition. Mais le plus simple est-il vraiment le plus véridique. Voici quelques repères qui, non seulement vous éviteront tout malentendu, mais vous aideront à mieux cerner la matière textile qui se cache dans les textiles.

Par la vue :  en approchant un fil ou un échantillon de tissu d’une flamme, on constate que la combustion est lente, sans flamme et saccadée, elle  va s’arrêter toute seule.

Par l’odorat : une odeur caractéristique de corne brûlée se dégage lors de la combustion, très similaire à celle d’un cheveu ou d’ongle soumis au même traitement. Ces observations seront quasi identiques pour la laine et les autres fibres textiles d’origine animale.   

Par la vue : la soie est dotée d’une grande résilience : si l’on froisse un échantillon de soie assez léger, qu’on le maintient fermement dans le creux de la main quelques instants et que brusquement on ouvre la main, il va s’échapper comme un ressort qu’on libère après une forte pression. L’élasticité de cette fibre est largement exploitée par l’industrie textile.

Un fil de soie se distingue des autres par son illustre lustre plus ou moins discret en fonction du tissage et de l’intensité de la lumière. Les soieries, notamment les taffetas, sont des terrains de jeu unique pour les rayons lumineux, l’étoffe vibre au moindre mouvement, elle joue avec la lumière comme un enfant avec un jouet. 

Au microscope, le fil de soie cuite apparaît comme une sorte de tube de verre, lisse, transparent, continu dont la section n’est pas tout à fait ronde, mais presque triangulaire avec des angles arrondis. Ce détour par le petit bout de la lorgnette, dévoile la manière dont les rayons lumineux rebondissent sur un tissu de soie. Le rayon lumineux touche la surface d’une soierie et rebondit comme une balle contre un mur, il est renvoyé dans plusieurs directions, en se brisant sur les facettes de ce tube, avec un peu d’imagination on peut déceler en arc en ciel.

Par le toucher : après la combustion, le résidu noir est très friable. Les réactions tactiles provoquées au contact d’une soie sont très subjectives, aussi ce qui suit n’est qu’un guide, à chacun de se faire sa propre idée. La douceur d’une étoffe en soie fait partie de sa personnalité. En main, la soie dégage une douce chaleur bienveillante, c’est un moyen simple de différencier un satin de soie d’un satin de polyester. Qui n’a jamais éprouvé au contact d’une soie cette étonnante sensation d’empathie. Il existe sûrement entre la peau et la soie une entente très cordiale. Une précaution indispensable pour qui veut manipuler une soierie au tissage lâche, comme une mousseline : les mains doivent être irréprochables, la moindre coupure, un ongle cassé, une peau trop rêche peut créer des dommages irréparables à l’étoffe : fil tiré, maille filée…

MISES AU POINT

Ver ou chenille ?

Il convient de rendre à César ce qui lui appartient : l’animal à l’état de larve muni de pattes est en réalité une chenille, mais l’usage faisant loi, le monde du textile a adopté la version du ver à soie, soit.

Soie sauvage/Soie naturelle ?

Paradoxe du vocabulaire : pourquoi opposer soie sauvage à soie naturelle ?  Les deux brins sont naturels, il serait donc plus judicieux de distinguer les soies sauvages des soies domestiquées. Mais c’est une autre histoire.

LA SOIE, UNE FIBRE UNIQUE MAIS DES ETOFFES INNOMBRABLES

Qui son- elles, comment sont-elles fabriquées, qu’est ce qui les distingue les unes des autres, pourquoi ce nom plutôt qu’un autre ? A ces questions, voici quelques réponses.

J’ai choisi de vous présenter dans ce post une sélection très personnelle de soies, qui montre à la fois l’importance de la filature, la diversité des tissages, avec une mention spéciale dédiée au savoir faire des artisans. Les tissus sont mes amis et j’espère qu’ils deviendront les vôtres après ce défilé.

SOIE NATURELLE

L’image d’Epinal de la soie pour le grand public n’est pas celle de la soie sauvage mais celle de la soie naturelle lisse, blanche, souple, fluide, brillante. Convoité par les uns, imités par les autres, ce don de la nature a encore devant lui un brillant avenir. 

La soie résulte de la coagulation d’un liquide gluant ou bave, secrété par la chenille d’un ver à soie domestiqué le bombyx du mûrier, élevé « blanchi » et nourri de fraîches feuilles de mûriers blancs. La sériciculture ou l’art d’éduquer les vers à soie, apparaît en Chine il y a environ 3000 ans. C’est « une éducation » méthodique d’une race de chenille qui a été domestiquée. Seule la sériciculture permet d’obtenir ce filament régulier et continu, naturellement doté des qualités exceptionnelles qui ont fait sa réputation à travers la planète.

La soie naturelle est la plus recherchée, et celle qui a la plus grande valeur commerciale. Tout à la fois confortable, thermorégulatrice, seyante, agréable à la vue et douce au toucher, ses utilisations sont multiples :

Tissée : pour les vêtements, décoration d’intérieur, autrefois les parapluies et les toiles de parachutes étaient en soie.

En mailles : vêtements et sous-vêtements.

En fil :  cordes d’archets, pour coudre les tissus en soie avec un fil de soie c’est accroitre la solidité des coutures et prévenir d’un éventuel rétrécissement lors du lavage ou du nettoyage à sec.  

En cordonnet : broderie, surpiqûres, tout indiqué pour coudre solidement des boutons ou faire des boutonnières « coutures ».

LES TISSUS EN « SOIE NATURELLE »

TAFFETAS : c’est un tissu bavard aux plis sophistiqués, aux reflets métalliques inimitables.

Du persan « tafftah » qui signifie tissé ou entrelacs, avec l’idée de décrire le cheminement des fils de trame à travers les fils de chaîne. C’est une étoffe historique, tissée avec la plus simple des armures. La toile, aussi nommée taffetas lorsqu’il s’agit d’un tissage utilisant des fils continus qu’il s’agisse de  la soie ou de polyester. Un fil de trame passe au dessus et au dessous d’un fil de chaîne – contrarié à chaque duite.

Soie Adras – Nobilis

Un taffetas de soie ne supporte pas la médiocrité car toutes les imperfections sont visibles. Comme toutes les toiles il n’a ni endroit ni envers, sa surface est lisse, sans grain apparent, conséquence d’un tissage régulier et serré. Plus le nombre de fils en chaîne et en trame est important, plus l’étoffe aura de puissance mais plus elle sera difficile à maîtriser. En main, le taffetas est sec, à l’oreille, le bruissement d’un taffetas est reconnaissable entre tous. Le cri aigu de la soie retentit si on déchire d’un coup sec et franc un métrage de taffetas. La construction d’un taffetas équilibrée, avec un nombre identique de fils en chaîne et en trame, évite les déformations.

Jadis, il n’y avait aucune confusion possible, un taffetas était en soie qui venait de Chine et qui transitait par la Perse avant d’arriver en Europe.  Dès le XIVe siècle, les italiens de Bologne et de Florence se spécialisèrent dans le tissage de la soie. Lyon se lancera plus tard dans la fabrication de tissus de soie avec un succès reconnu dans le monde entier, aujourd’hui encore Lyon est un centre très actif du travail de la soie.

Les ailes des premiers avions, notamment celui d’Avion III de Clément Ader étaient en taffetas de soie, étoffe réputée pour sa solidité. Les premiers parachutes étaient également fabriqués en taffetas de soie dont le tissage serré ne laissait pas passer l’air. Depuis, les fibres synthétiques ont pris la place de la soie, au moins en ce qui concerne les toiles de parachutes.

Le taffetas changeant un fil de couleur différente en chaîne et en trame.

Les tissus « changeants » jouent sur un effet d’optique. La vision des couleurs est différente en fonction de la direction et de l’intensité de la lumière qui se reflète sur les fils de soie.

En décoration, il permet des mises en scènes, des drapés superbes aux dimensions extravagantes.

Les termes changeant et moiré sont souvent employés à mauvais escient bien que, dans les deux cas, la lumière donne vie aux étoffes changeantes et moirées.

Les tissus changeants sont tissés avec des fils de couleurs différentes en chaîne et en trame, les couleurs ont la vedette, la lumière les met en valeur.
Les tissus moirés offrent des surfaces ondées obtenues par l’écrasement du grain, sur lesquelles la lumière peut se refléter sans contrainte. C’est la surface travaillée qui mène le jeu, la lumière, accessoirement, accentue les reliefs.

PONGE : parent pauvre de la famille, injustement placé dans les rayons des doublures, au potentiel trop souvent inexploité.

Pongé du chinois pun-chi = métier à tisser. Il ne fut commercialisé en France qu’au XIXe siècle et il fallut attendre le début du XXe siècle pour qu’il connaisse son heure de gloire.

C’est un taffetas de soie fin, solide, lisse et brillant, généralement fabriqué en 0,90 m de large. Les pongés ne sont pas exploités à leur juste valeur. Ils sont solides, brillants, disponibles dans une large gamme de couleurs, à un prix très abordable pour une soie. C’est une superbe doublure pour plusieurs raisons : le tissu est léger et lisse et permet de doubler les manches des vestes ou des manteaux sans que cela entraine une gêne pour l’utilisateur. Côté couture, les chemisiers, les pantalons amples, les robes d’été, coté pratique et chic un sac de couchage en pongé de soie est un plaisir inouï que l’on glisse sans peine dans un sac à dos.

MOUSSELINE DE SOIE : étoffe généreuse mais timide. 

De Mossoul, ville irakienne située sur la route de la soie, étape incontournable des caravanes chargées d’étoffes, d’épices et autres trésors venus d’Asie destinés à l’Europe.

C’est encore un terme générique qui désigne une étoffe fine et légère dont la surface est granuleuse, ondulée, mousseuse, elle peut être transparente ou opaque. 

La perception de la mousseline est essentiellement tactile : la surface peut être presque lisse, légèrement granuleuse ou terriblement cabossée. Mais il convient d’associer la vue à la découverte de la mousseline : au compte fil, sa surface est un véritable chambardement.

La mousseline possède une indicible fermeté qui lui confère un plombant qui lui offre une belle main.

D’instinct, cette étoffe incite à se cacher entre ses replis comme le fit si joliment Loïs Fuller. Elle dansait perdue dans des métrages de soie opaque qui suggéraient son corps plus qu’ils ne le montraient.

L’armure taffetas est utilisée avec des fils extrêmement fins et, ayant été soumis à une torsion plus ou moins importante, ce qui à pour conséquences :

– de plomber la mousseline qui, contrairement à certaines étoffes légères qui s’envolent gré du vent, plus lourde, reste les pieds sur terre.

– d’onduler la surface, comme si elle était frôlée par une légère brise. Si nous envisageons le point de vue des puristes, il n’est de véritable mousseline que de coton. Aussi, le terme mousseline de soie est-il impropre ; on peut le remplacer par crêpe georgette par exemple.

Un conseil aux amateurs non avertis qui utiliseraient une mousseline de soie, matière extrêmement difficile à bien travailler : le tissu glissant, il faut l’épingler, faire des coutures étroites et, que ce soit à la main ou à la machine, utiliser des aiguilles très fines. Vous pouvez toujours, pour vous faciliter la tâche, poser une feuille de papier de soie ou de papier toilette sur les coutures avant de les coudre à la machine, la soie ne glissera pas. Le secret pour bien travailler une étoffe aussi précieuse c’est de l’apprivoiser, la comprendre et l’aimer. Suivent ensuite le savoir-faire, la patience et l’expérience.

ORGANZA étoffe méconnue, discrète mais à l’indéniable présence. Ce nom curieux, est la déformation de Urgang devenu Urgentch, ville du Turkmenistan où transitaient les caravanes chargées de marchandises en provenance de Chine destinées à une clientèle européenne particulièrement attirée par les produits nouveaux.  En Europe, cette cité connue au Moyen-Age pour son marché important de la soie portait le nom de Organzi.

Ceci est une hypothèse géographique, mais il y a un autre élément plus technique qui peut être à l’origine du mot : le fil appelé organsin, composé de deux ou trois brins de soie grège qui ont été tordus individuellement dans un sens et sont retordus ensemble dans l’autre afin de pouvoir être utilisés en chaîne. Organza d’organsino, qui signifie en italien organe, au sens d’instrument. Mais les deux origines ne se confondraient-elles pas ?

La chaîne, véritable colonne vertébrale d’une étoffe, supporte tout le poids de la longueur du tissu, elle est soumise à une tension plus ou moins forte, c’est pourquoi le fil utilisé doit être régulier et solide.

Ceux qui ont tenu entre leurs mains une telle étoffe comprendront que la décrire avec des mots est une tâche ardue. C’est une matière gonflante, mouvante, aérienne, qui possède toutes les qualités inhérentes à la soie avec en plus une désinvolture qui fait partie de son charme.

Cette tenue particulière n’est pas due à un apprêt mais à la participation au tissu d’un fil organsin.  Teint à cru, nerveux, il donne à l’organza cette allure si indéfinissable : léger, vivace, curieux, il vole et se pose sans bruit sur les épaules ou se superpose avec élégance sur un autre support textile.  

Il n’y a pas un organza mais des organzas :   taffetas simple, satin, brodé, façonné, double, uni, imprimé.

L’organza double gagne en opacité et en lustre.

L’organza satin est plus lourd et sa raideur se transforme en rondeur accompagnée d’un lustre d’une extrême douceur. C’est un tissu gourmand, il invite à la caresse.

Un organza doublé d’un autre organza aura pour effet d’iriser, d’ônder la surface. Un effet décoratif intéressant par transparence en voilage.

Attention aux faux amis : l’offre textile est abondante et parfois, c’est un miroir aux alouettes.

L’organza de soie est souvent confondu avec des étoffes légères, raides et transparentes en polyamide proposées à la vente sous l’appellation organza. Cet ersatz n’est que l’ombre de l’original, sa brillance tapageuse n’a ni la subtilité de l’original ni son fier maintien.

TWlLL, charmeur, sage et docile, le tissu préféré des cravates et autres foulards. Terme anglo-saxon qui définit l’armure utilisée. Etymologiquement, twill signifie croisé. Dans le domaine textile, ce mode de tissage produit un tissu dont la surface est rythmée par des diagonales. En français, le mot twill ne s’applique qu’aux étoffes construites avec des fils continus comme la soie, la viscose ou le polyester ; la même armure, caractérisée par des diagonales, se nomme sergé ou croisé pour toutes les fibres discontinues comme la fibranne ou le coton dont l’exemple le plus connu est le denim.

Le twill de soie est caractérisé par une succession de côtes et de sillons obliques plus ou moins visibles selon le diamètre des fils. La souplesse est sans doute la qualité que l’on recherche lorsque l’on veut travailler le twill.

La variation du diamètre des fils utilisés en chaîne et ou en trame, a des répercussions sur l’aspect des tissus. Ainsi, le surah est-il un twill de soie dont le relief est plus accentué, par l’utilisation de fils plus gros.

La lumière joue avec le relief du twill, autorisant des effets décoratifs intéressants. Cette étoffe légère tout en étant solide, est souple avec un lustre modéré mais présent ; elle permet des drapés élégants.

En ameublement, cette soierie est un petit bonheur, les coussins aux couleurs chatoyantes égaient les intérieurs. Il ne faut pas avoir peur de son apparente fragilité, ce n’est qu’une façade. La préciosité de la soie est un souvenir lointain, elle peut se fait tendre, rugueuse, féminine ou masculine, elle est versatile et ses ressources sont inépuisables.

L’entretien des twills imprimés, comme de la plupart des soies imprimées, nécessite le respect de quelques règles élémentaires notamment : s’assurer avant tout lavage d’un article en soie imprimée, de la solidité de la couleur. Si nécessaire, un premier nettoyage à sec fixera la couleur. C’est vrai, l’entretien d’un article en soie réclame un peu plus d’attention qu’un article en fibres synthétiques, mais c’est si peu de chose par rapport au plaisir qu’il procure.

GAZAR un garnement indomptable, sculptural, magistral.

Ce tissu est un phénomène, une excentricité, un intrus dans l’univers de la soie. C’est une création que, seuls, le talent d’un Christobal Balenciaga et l’imagination audacieuse d’un Gustave Zumsteg ont pu hisser sur les fonts baptismaux de la Haute-Couture en 1958. Le couturier ne trouvant pas dans le commerce un tissu correspondant à ses attentes, demanda au directeur de la société Abraham, de créer pour lui une étoffe adaptée à ses créations. Et voilà comment naquit ce chef d’œuvre. Membre de la famille des gazes, le gazar s’en éloigne par sa construction étonnante. Un double fil de soie crue, associé à un tissage taffetas lâche, confère à l’étoffe un espace de liberté, le gazar possède un potentiel qui séduit les artistes, les « jusqu’auboutistes ». Il se prête aux déformations inattendues, il se gonfle, il s’arrondit, il se fait timide puis rugit, se cabre, occupe tout l’espace, joue les timides mais s’anime au moindre désir d’une main habile à le dompter ; il bouge ou se tient tranquille selon les modèles, enfin il vit. Gare à ceux qui, inexpérimentés, se risquent à le travailler, il leur rendra le travail impossible. Difficile à trouver, difficile à travailler mais un vrai bonheur de faire sa connaissance.

SATIN DE SOIE savamment liquide, d’un extrême raffinement. C’est l’aboutissement de la préciosité de cette fibre, la soie faite eau qui coule entre les doigts, qui s’échappe en silence, c’est la souplesse dans tous ses états, la douceur incarnée.  Derrière ce tissu, il y a le savoir faire des soyeux. Un satin de soie ce n’est pas n’importe quel satin. Il est intransigeant sur la finition, aussi changeant que la météo : lustré ou brillant, souple ou tout en rondeur, lourd ou poids plume, épais ou opaque. Difficile à cerner difficile à travailler, les ciseaux se promènent sur l’étoffe sans un bruit, glissent comme des patins sur la glace, tout comme le tissu sous l’aiguille de la machine, il faut être préparer pour affronter cette star, mais le satin tient ses promesses une fois métamorphosé en robe ou en chemisier. Difficile à dompter mais si facile à porter. Voilà encore une belle histoire de tissu, vraie ou pas peu importe puisque le satin de soie c’est presque un rêve.

Emprunté par l’intermédiaire de l’espagnol « aceituni », à l’arabe Zaytuni de Zayntun. La ville chinoise de Tsia Tung était réputée pour la fabrication d’une étoffe de soie fine et lustrée sur l’endroit, sans aucune trame visible, c’est la définition du satin. Le satin est devenu un terme technique qui définit une des trois armures principales utilisée en tissage.

Les satins sont caractérisés par une surface plane, brillante sur l’endroit et mate à l’envers. Il peut y avoir des satins dominés par la chaîne ou par la trame, il peut y avoir des satins double face brillants également à l’envers et à l’endroit.

Cet aspect est obtenu par une diminution des points de liage, le fil de trame flotte littéralement dans la construction d’un satin de 8, il saute 8 fils de chaîne avant d’un prendre 1. Plus les flottées sont importantes, plus la surface est brillante, mais plus l’étoffe est fragile.

En ameublement, la solidité étant un facteur de choix, il faut savoir que plus un satin est brillant moins il résiste à la traction.

Le satin duchesse est lourd, épais, très brillant et lisse. Sa belle tenue autorise des coupes étonnantes pour des modèles structurés.

Il est teint en fils, c’est-à-dire avant le tissage. Une des caractéristiques de ce satin est le compte élevé de fils en chaîne. C’est probablement une des étoffes les plus somptueuses qui nous soit parvenue de la Chine impériale, et si le mot luxe peut s’appliquer à un tissu c’est bien à celui ci.

Satin de Lyon ou satin double face : il est un peu moins brillant que le satin classique mais les deux faces sont identiques grâce à un tissage double chaîne. Il est également teint en fil.

Le satin est présent sur les podiums des défilés Haute Couture, mais il est trop souvent oublié pour le linge de lit. Draps, housse de couette, taie d’oreiller en satin de soie léger ou lourd, lustré ou brillant, c’est un délicieux appel à faire de beaux rêves. Matelassé, il permet des créations inhabituelles pour une maison chaleureuse (dessus de lit, coussins). Le satin est un acteur qui a un rôle plus important à jouer dans la décoration d’intérieur.

LES TISSUS EN SOIE SAUVAGE

Sauvage ou naturelle, il ne s’agit pas d’opposer ces deux catégories de soie, elles ne jouent pas dans la même équipe, leurs destinations sont différentes. Vêtement d’apparat versus tenue du quotidien. 

Le terme générique « soie sauvage » s’applique à toutes les soies fournies par des cocons de vers à soie sauvages ou semi-sauvages.

soie sedario olivades
Soie Sédario – Olivades

La soie extraite des cocons de certains lépidoptères vivant à l’état sauvage fut la première à être exploitée par l’homme il y plus de 5000 ans. Nos ancêtres mirent à profit leur agilité et leur pouvoir d’invention en trouvant une utilité aux cocons diversement colorés, irréguliers, abimés, abandonnés dans la nature, ce que d’aucun pourrait désigner comme des déchets. Les cocons étaient transformés en bourre, utilisée sans autre transformation puis, avec le perfectionnement de l’art du filage et du tissage, ces amas de matière furent cardés, filés et tissés comme la laine ou le coton.

En bourre : c’est un matériau formidable pour le matelassage des vêtements d’hiver, pour le rembourrage des couettes et des oreillers.

Le dévidage des cocons sauvages, ne peut être que partiel, et le décreusage des fils n’est jamais total ; c’est pourquoi les étoffes utilisant ce type de fil ne sont jamais vraiment blanches, elles peuvent être claires, diversement teintes.

Les brins courts sont soudés les uns aux autres au moment du filage. Le diamètre du fil obtenu n’est pas uniforme sur toute sa longueur et des amas de matière apparaissent aux jonctions entre ces brins.

Une petite intrusion tout à fait nécessaire dans le lexique technique : la filature est l’ensemble des opérations mises en œuvre pour transformer des fibres courtes en un fil continu. Dans le cas précis des soies sauvages, le fil est composé de fibres courtes, maintenues ensembles par une torsion plus ou moins importante.

La texture de ces soies est très particulière. Parfois, pour un non initié, il est difficile de les distinguer d’une grosse cotonnade. Les tissus en soie sauvage ont une apparence rustique, une surface irrégulière, un lustre très très discret, mais elles possèdent toutes les qualités intrinsèques de la soie.

Le succès commercial des tissus qui entrent dans cette catégorie est dû à l’aspect moins sophistiqué, la fabrication mise essentiellement sur la fantaisie irrégulière des fils.

La variété des étoffes est en partie obtenue par l’utilisation en chaîne de fils différents. Ils peuvent être plus fins et plus nombreux qu’en trame, avoir subi des torsions importantes ou très faibles au moment de l’organsinage, ils peuvent être cuits ou crus…  L’armure toile est la plus couramment utilisée pour toutes ces étoffes, la fantaisie venant essentiellement de l’aspect des fils.

LA SOIE TUSSAH

Elle est issue du cocon de l’athœrœa pernyi qui vit sur le chêne. Il est semi-domestiqué, c’est à dire qu’il se développe seul jusqu’à l’étape de l’encabanage, mais il est ramassé avant que la chrysalide ne devienne papillon. Ainsi, les cocons ne sont pas percés et peuvent être dévidés complètement. Le fil continu est décreusé totalement mais il demeure plus grossier et plus terne que le fil issu du dévidage des vers à soie domestiqués. Les nœuds sont a peine perceptibles, la surface est donc relativement lisse, et le lustre fait partie de son attrait.

Le mot dérive de l’hindoustani « tussura » ou « tasar » qui signifie navette parce que ces fils au diamètre irrégulier, à la solidité toute relative, sont presque toujours utilisés en trame. C’est un tissu parmi des dizaines d’autres, dont la production est plus raisonnée et la commercialisation se fait à une échelle réduite.

Les cocons de ces vers à soie sont gris ou bruns, les vers vivent sur des ricins ou des chênes et se nourrissent des feuilles de ces arbres.

Le tissage assez lâche des soies sauvages a pour conséquence une certaine fragilité au niveau des coutures. Ces tissus ne sont pas aptes à supporter des tractions brusques ou répétitives, donc ni coussins, ni vêtements ajustés. Quelque soit la destination, il faut se laisser une marge de manœuvre au cas où une réparation s’avère indispensable.

La raideur de ces étoffes tient non seulement de la présence de fils non totalement décreusés mais aussi de fils différents en chaîne et en trame.

Si les indiens sont les premiers producteurs de soie sauvage, c’est probablement parce que le secret de la domestication du ver à soie est détenu par les chinois. Les indiens, par manque de connaissances techniques, se contentèrent de ramasser les cocons percés des vers à soie et d’utiliser la bourre comme ils le faisaient pour le coton ou la laine : cardage, peignage, filage, tissage.

La soie sauvage est une soie respectueuse de la chenille. On peut penser que l’hindouisme qui interdit de tuer des animaux, n’est pas sans avoir joué en faveur du développement de cette technique. Il aurait été difficile de procéder à l’ébouillantage des cocons sans tuer la chenille.

La matière textile utilisée pour le « tussor » en Chine, Tassar ou tussah en Inde, peut être fournie par les cocons de plusieurs variétés de chenilles vivant toutes à l’état sauvage qui se nourrissent des feuilles de chênes ou de ricin produisant alors une soie légèrement colorée grise, brun/jaune ou verdâtre, certaines feuilles contenant plus de tanin que d’autres colorent la bave de la chenille. Le cocon de ces chenilles est plus grand que celui des chenilles domestiquées (parfois il peut atteindre la taille d’un œuf de poule).

C’est une toile naturellement grège, car ce fil ne prend pas facilement la teinture du fait de ses irrégularités et de son décreusage imparfait. Les tissages artisanaux, combinent dans une même coupe plusieurs tons allant du beige au crème jusqu’au brun, c’est ce qui fait partie de leur charme.

Tussah ou tussor et shantung sont des étoffes de soie qui ressemblent mais ne sont pas identiques.

Le tussor est tissé avec des filés de fibres fournis par les cocons de vers à soie sauvages ou semi domestiques.

Le shantung est tissé avec des filés de fibres fournis par les cocons percés ou abimés du bombyx du mûrier.

LE SHANTUNG, tout en délicatesse, s’enivre de couleurs ou s’impose une blancheur modérée presque virginale, romantique à souhait. C’ est une étoffe séduisante, en blanc adaptée pour les robes de mariée, en couleur sans restriction aucune, élégance et raffinement seront présents en ameublement tout comme dans une garde-robe.

Cette étoffe n’entre pas dans les cases habituelles de la famille des soieries. Le shantung est tissé en trame avec des filés de fibres de soie irréguliers qui proviennent du dévidage incomplet de cocons doubles ou percés du bombyx du mûrier, animal domestiqué.

Les fils irréguliers sont ponctuellement parsemés de nœuds qui apparaissent à la jonction entre deux brins, une sorte de renflement visible surtout lorsque le tissu est teint, la couleur étant plus dense à ces endroits.

Ces fils sont utilisés en trame. C’est pourquoi la surface d’un shantung est comme striée sur sa largeur. En chaîne, la soie cuite est utilisée. La qualité d’un shantung est proche de celle des soies naturelles, bien que son apparence peut être assimilée à une soie sauvage. Le shantung, contrairement à une soie tussah, possède un lustre à minima mais visible et une main souple, qui autorise des drapés somptueux. Commercialisé en blanc, il est largement utilisé pour les robes de mariées.

Quelques grands couturiers comme Christian Dior dans les années 50 firent des modèles en shantung imprimé.  En ameublement, le shantung est un atout. Si la soie ainsi produite est moins fine et moins brillante que la soie naturelle, elle est aussi moins onéreuse. Son aspect rustique lui ouvre les portes de la décoration d’intérieur. Il joue délicatement avec la lumière sans pour autant briller avec ostentation. Cette soie ne renvoie pas l’image du luxe mais de l’élégance.

Et voilà que se termine le chapitre consacré à la folle aventure de la soie, quelques pages et puis s’envole ce nuage impalpable de soie entrainant dans son sillage toute la fantaisie de ce filament aux multiples facettes. En attendant le prochain post je vous souhaite une belle année textile 2020.

Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture.

4 Responses

  1. Google m’a conduite chez vous alors que je cherchais quelle soierie serait la mieux adaptee pour doubler une veste… quelle poésie! En vous lisant j’entendais la morsure des ciseaux sur l’étoffe et je voyais danser la lumière. Bravo pour votre plume, et merci…

  2. Un ami amateur de cravates de soie m’a dit qu’il possédait un tissu de soie 4 et non 3 comme la plupart des cravates. Que signifie ces distinctions de qualité?

  3. Quel plaisir de lire ces articles détaillés qui nous plongent dans l’Histoire!
    Ce n’est pas évident de différencier les différentes soies!!! Les vendeurs parfois ne savent pas eux-mêmes 😉

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