Le chintz, un tissu de légende

Le chintz, c’est d’abord un mythe et aussi toute une histoire dont les répercussions se firent sentir sur la politique économique des pays européens du XVIe au XIXe siècle, avant d’être ce tissu innocent, un brin nostalgique, qui tapisse les fauteuils, décore les fenêtres, habille les petites filles modèles.

Une origine métissée

D’où vient ce curieux mot ? Chintz fut emprunté avant d’être anglicisé, au sanscrit « chitta » ou « chitti » et au Mahriti « chit » signifiant moucheté, tacheté, technique de couleur projetée sur un fond.

Le chintz évoque évidemment les intérieurs cosy et joyeux des cottages anglais, mais saviez vous que ce sont les portugais qui les premiers prirent la mesure du potentiel économique de ces toiles peintes ? Alors rendons à César ce qui lui appartient.

Les portugais passent et manquent

Les lusitaniens débarquent avec le navigateur Vasco de Gama en 1498 à Calicut, ville portuaire située sur la côte sud-ouest de l’Inde. Ce sont les premiers occidentaux à aborder le sous-continent indien par la mer. 

Au cours des décennies suivantes, ils vont coloniser cette côte de Malabar appelée « la côte des épices », en fondant la première compagnie marchande occidentale en Inde avec les comptoirs commerciaux de Cochin et de Goa dont ils feront la capitale de « l’empire des indes portugaises «. 

Les navires repartaient vers le Portugal chargés de denrées rares et recherchées par les européens comme les épices : poivre, cannelle, clous de girofle. Rapidement, les armateurs s’aperçurent que les épices se trouvant dans les pays environnants étaient de meilleure qualité. Le clou de girofle des Moluques était l’un des plus estimés.

Un commerce basé sur les échanges pas toujours équitables : importation/exportation

 L’idée du troc fit son chemin car, financièrement, c’était une solution qui satisfaisait les deux parties. Les artisans indiens étaient détenteurs d’une tradition textile sans équivalent, donc sans concurrence. Ils excellaient dans la fabrication de cotonnades lustrées aux motifs floraux, aux couleurs vives et solides, peints à la main ou obtenus à l’aide d’un bloc de bois sculpté. Les portugais transformèrent ces magnifiques toiles en monnaie d’échange. Ainsi, s’organisa un commerce triangulaire entre les Indes, la Malaisie et le Portugal. Les portugais échangeaient avec les malaisiens des métrages de toiles peintes, des « chitas pintados » achetées ou échangées aux indiens contre des épices qu’ils importaient au Portugal.  

On peut s’étonner de la décision des armateurs de ne pas rapporter ces belles toiles au Portugal. Il est vrai que, n’étant pas connues en Occident, leurs débouchés étaient plus incertains que celui des épices. On retrouve dans les archives la trace de quelques rares vêtements style kimono fabriqués pour le marché portugais en Indes ou en Malaisie, mais le produit arrivait en Europe déjà transformé sous forme de vêtements.

Les portugais ont laissé passer leur chance d’associer à jamais leur nom à celui du Chintz. Pourtant, la population ne s’est jamais vraiment détachée de ce type d’étoffe et une production artisanale locale de toiles imprimées au bloc de bois démarre au Portugal au XIXe siècle. Avec les progrès techniques découlant de la révolution industrielle, les possibilités étaient multiples. Mais les anglais qui avaient le quasi monopole des ventes d’indiennes sur le continent européen, voyant le marché portugais leur échapper, réagirent en envoyant des indienneurs et leur matériel sur place. C’est ainsi que la famille Graham s’installa à Lisbonne en 1876. L’influence britannique pris le dessus et les motifs traditionnels du Lancashire débarquèrent avec les nouveaux arrivants, remplaçant les couleurs et les motifs portugais. La fabrication de ces cotonnades imprimées se poursuivit jusqu’en 1974 date de la révolution des œillets, période qui vit la fermeture de nombreuses usines. Cette production est aujourd’hui connue sous le nom de chintz d’Alcobaça, nom du célèbre monastère portugais situé à proximité d’ Alcobaça, à une centaine de km de la capitale où l’on tissait les cotonnades, support textile qui servait jadis à l’impression des toiles peintes. Aujourd’hui, le chintz renait de ses cendres et le flambeau de la production traditionnelle est relevé par des entreprises artisanales familiales installées près de Lisbonne.

Les britanniques flairent le filon et doublent les portugais

Avec la création de la Compagnie Britannique des Indes Orientales le 31 décembre1600, les anglais vont doubler les portugais sur leur propre terrain en mettant des moyens en hommes et en matériel bien supérieurs à ceux des lusitaniens. Les produits importés vers l’Europe seront plus diversifiés. Outre les épices, ils misent sur les toiles peintes indiennes.

L’expérience est une réussite au point que les anglais deviennent au XVIIe siècle le principal fournisseur d’indiennes du Portugal ; un comble pour ceux qui auraient pu avoir la main mise sur ce commerce fructueux !

La place étant libre et la demande importante, les anglais s’y engouffrèrent avec talent. Des agents des grandes entreprises de Liverpool ou Manchester prirent le temps de comprendre ce que recherchait les différentes populations européennes. Sur place, aux Indes, leurs représentants faisaient circuler dans les ateliers d’indiennage, des illustrations, des dessins et croquis correspondant aux diverses demandes. Les Hollandais et les Français firent de même, occidentalisant les sources d’inspiration, en fonction des pays.

Ils proposèrent ainsi, pour leur exportations vers le Portugal, des dessins et des couleurs spécifiques : fleurs, fruits et oiseaux se combinaient verticalement aux rayures. Les fonds étaient plutôt sombres mais on retrouve toujours pour les motifs cinq couleurs : jaune, vert, bleu, rose, grenat. Les indiennes remportèrent un vif succès auprès des populations européennes.  

Les anglais, en commerçants avertis, s’inspirèrent ici de la politique commerciale que les chinois avaient mis en place avec le commerce de la porcelaine pour conquérir les marchés européens.

Les hollandais arrivent à temps pour prendre une belle part du gâteau que représente les épices et les toiles peintes

Les bataves fondent en 1602, à l’image des portugais et des britanniques, la  compagnie néerlandaise des Indes orientales, plus  connue sous les trois lettes V.O.C  avec l’idée de concurrencer leurs prédécesseurs sur le marché des épices. Au XVIIe siècle, la valeur d’un gramme de clou de girofle était supérieur à celle de l’or. Ils ne tarderont pas à se rendre compte que le commerce des toiles peintes était tout aussi rentable, mais avec un peu de retard sur les britanniques.

Les français arrivent un peu après la bataille des indiennes mais ils tirent leur épingle du jeu

Colbert tarde à réagir mais sa politique parfois décriée semble avoir été couronnée de succès du moins jusqu’à un certain point grâce aux comptoirs commerciaux situés sur les côtes indiennes de Coromandel et de Malabar.

Le point de non retour de la politique de Colbert est atteint lorsqu’il s’aperçoit qu’il a surestimé le pouvoir financier de l’état et qu’il doit faire appel à des armateurs privés afin d’assurer la survie de la compagnie française des Indes orientales. Cependant, il a joué une bonne carte, les cinq comptoirs resteront français encore quelques siècles. Dans les années 1950/60, les écoliers français apprenaient encore par cœur la liste de ces villes : Chandernagor, Pondychery, Mahé, Yanaon, Karikal, et leurs parents  se rappelleront  ces nom en écoutant Juliette Gréco chanter « Chandernagor ».

L’objectif de Colbert était de prendre une partie du commerce des épices et des indiennes qui, jusqu’en 1664, était aux mains des hollandais et des anglais, les portugais étant hors jeu depuis un certain temps. Le but est à la fois politique et économique : 

– ravir aux deux grandes puissances l’exclusivité du commerce des épices et des indiennes et approvisionner le marché français avec des marchandises vendues par des commerçants français.

– contrebalancer l’importance de la puissance économique des britannique sur les marchés européens.

La solution préconisée par Colbert, pour éviter l’évasion des devises, est simple : il faut consommer français. Or, ce que propose les tisserands français est loin de contenter une clientèle qui réclame des nouveautés.

Deux solutions sont envisageables :

Soit, copier les indiennes et les fabriquer en France, ce qui n’est pas possible pour des raisons simples : le coton ne pousse pas en métropole et les techniques d’impressions des artisans français ne sont pas encore en mesure de rivaliser avec les résultats obtenus par les artisans indiens.

Soit, acheter ces biens à des marchands français qui s’approvisionnent aux Indes. La création des comptoirs français en Indes est alors la bonne solution. Pondichéry, ville portuaire sur la côte de Coromandel, devient la capitale économique des indes françaises. Ce site est parfait pour l’importation des indiennes puisque, dans les environs, les champs de coton sont nombreux et des ateliers de tissage et d’impressions sont installés à proximité de la ville.

En Europe, une clientèle fortunée est avide de produits de luxe

Au XVIIe siècle, aristocrates et bourgeois succombent aux appels des produits nouveaux, rares et onéreux. Outre la soie, la porcelaine, les épices, ce sont les cotonnades peintes aux motifs exotiques et aux couleurs vives qui sont les produits en vogue. Les sirènes de la nouveauté sont plus fortes que l’intérêt économique du pays. Ces marchandises offraient des perspectives de changement dans la décoration et l’habillement pour une partie de la population.

L’offre des tisserands et des soyeux français ne correspond plus tout-à-fait à la demande de la clientèle. Le contraste est sidérant entre la production textile asiatique et occidentale.

Les brochés, les brocards, les velours façonnés, riches et lourdes étoffes, ou mousselines de coton, soies légères mais matières fragiles, couteuses et d’un entretien des plus discutables, étaient les seules propositions pour les classes aisées. Pour la majorité de la population, la laine, le lin et le chanvre étaient les fibres de références.

Plusieurs noms pour un même produit

Les » calicoes « imprimés étaient désignés par « chittes », terme générique, mais les étoffes imprimées venant du Moyen-Orient étaient perses et les cotons imprimés venant des Indes étaient des « d’Indiennes » .

Importées par la Compagnie française des Indes Orientale, ces articles étaient désignés sur les registres d’indiennes fleuries.

Le chintz qu’est ce que c’est ?

Au delà de l’image d’Epinal que véhicule le mot, prenons le temps de découvrir ce qu’est vraiment un chintz. En anglais, c’est l’équivalent des indiennes en français ; c’est pourquoi l’histoire du chintz se confond avec l’histoire des indiennes. Le terme est souvent employé à mauvais escient car, de nos jours, chintz ne désigne plus seulement un tissu mais une technique de finition. C’est devenu un terme générique englobant toutes les cotonnades imprimées dont la surface est glacée. Les motifs traditionnels tirés du répertoire floral exotique ne sont plus une condition sine qua non pour qu’une étoffe soit baptisée chintz.

La technique d’impression européenne sur tissus n’égale pas encore le niveau atteint par les indiens

Au XVIIe siècle en Europe, on ne maitrise pas encore la technique de l’impression sur étoffe. Les motifs colorés résistent mal au lavage. La technique consiste encore à déposer des matières colorantes à la surface des étoffes. La technique de l’impression au bloc ou au pinceau ne permet pas aux pigments colorés de pénétrer à l’intérieur de la fibre. Par contre aux indes, les artisans utilisaient déjà depuis longtemps un procédé qui mêlait les produits de teinture à un mordant permettant ainsi de fixer solidement la couleur sur le support textile. Contrairement aux étoffes proposées par les manufactures européennes au XVIIe siècle, les indiennes étaient des cotonnades légères, solides, avec une grande variété de couleurs et qui résistaient aux lavages.

Pendant un siècle au moins, le commerce des importations de calicots imprimés ou peints fut florissant. Des cotonnades bon marché, avec des imprimés aux couleurs vives et solides, dites de qualité courante, sont introduites sur le marché européen en provenance des Indes.

La demande ne baisse pas et les importations s’amplifient ;  il est de bon ton dans les intérieurs bourgeois en Europe d’utiliser des flots de cotons imprimés de plus en plus destinées à l’habillement. Les robes d’intérieur en indienne sont du plus bel effet et le bourgeois gentilhomme de Molière est lui aussi de cet avis lorsqu’il déclare : « mon tailleur m’a dit que les gens de qualité portaient le matin une robe de chambre en indienne ». Les manufactures ne sont pas encore en état de proposer les beaux imprimés qui remplaceront les broderies.

Tissu Little Chintz
Tissu Little Chintz – Morris and Co

Les secrets d’une réussite

Le chintz tel que nous le connaissons et l’aimons apparaît sur le marché européen vers 1825 avec l’arrivée de l’impression aux rouleaux qui permet d’accroître la production. Mais avant de devenir un produit industriel, le chintz était un produit artisanal issu d’une technique très élaborée mise en œuvre par les indiens.

Que serait une toile de coton imprimée sans cet aspect glacé qui la caractérise ? Une simple cotonnade imprimée. Le supplément d’âme de cette étoffe est obtenu par un glaçage qui s’opère généralement sur un support de coton, calicot ou percale, uni ou imprimé. Pour mémoire, le calicot est une cotonnade grossière, au compte fils très faible, souvent utilisé pour la confection de banderoles. La percale est une cotonnade de qualité supérieure au tissage serrée, aux fils fins et sur-tordus.

Les deux opérations qui vont transformer une simple cotonnade imprimée en un chintz sont les suivantes :

Le mordançage

Préalablement à l’impression, le tissu vierge est plongé dans un bain contenant un sel métallique. Cette opération permet à la fibre de mieux absorber la matière colorante. Les sels métalliques possèdent une double affinité à la fois avec la fibre de coton et avec les matières colorantes.   

Le glaçage.

Une étape indispensable pour obtenir un véritable chintz. Les indiennes véritables se  caractérisaient par une surface lustrée obtenue par le dépôt d’une mixture à base d’eau de riz. Une fois sec, le tissu est raidi, mais ce n’est alors qu’une cotonnade, imprimée certes, solide évidemment, mais pas encore un chintz. Une ultime opération de finition est nécessaire pour parfaire le travail : la surface tissu est frottée à l’aide d’une pierre lisse afin d’obtenir cet effet lustré si caractéristique.

Le but recherché par les artisans indiens n’était pas d’imiter l’éclat de la soie ; le glaçage tant apprécié par les occidentaux doit être perçu comme une fonction pratique.    

En effet, plus la surface est lisse, moins les salissures ont la possibilité de s’y déposer. C’est probablement un des éléments qui attira la clientèle européenne qui trouve enfin des étoffes solides et colorées qui supportent les lavages. Tout est relatif, car les lessives au XVIIe siècle étaient peu fréquentes, une ou deux fois l’an, et mettaient en place un cérémonial des plus complexes. Laver son linge sale en famille n’était pas qu’une image, c’était un exercice qui réclamait des bras, de la force et de la patience.

Ce glaçage ou calandrage confère à l’étoffe outre ce lustre, un maintien satisfaisant pour un usage en ameublement.

En Europe, le principe du glaçage consistait à appliquer sur une surface textile une pellicule très fine de cire qui était écrasée lors du passage de l’étoffe entre deux lourds cylindres chauffés. Cette opération conférait un aspect lustré à l’étoffe et avivait les couleurs. Plus les fils sont fins, plus la brillance est forte, ce qui explique pourquoi un calicot calandré aura un lustre moins visible qu’une percale ayant subi le même traitement. Le glaçage traditionnel à la cire n’offre pas grande solidité aux lavages successifs et, autre déconvenue, le passage entre les gros rouleaux chauffés fragilise les fibres.

Jadis, on ajoutait de l’amidon lors du repassage pour redonner un certain lustre à un tissu, mais le résultat était temporaire : il ne subsistait qu’entre deux lessives et encore. De plus, le tissu perdait en souplesse et, si la dose était trop forte, il devait cartonneux. Aujourd’hui, la cire et l’amidon sont remplacés par des résines évidemment chimiques, et les purs cotons, dans le meilleur des cas, par des poly/coton. Cependant, techniquement, ces changements permettent d’accroître les performances de l’étoffe. Ces textiles supportent un apprêt permanent (everglaz), ce qu’une pure cotonnade ne pourrait supporter. Parfois, un traitement antitaches y est adjoint.

Les chintz fabriqués aujourd’hui ont une durée de vie prolongée, le lustre est permanent, les couleurs sont inaltérables et le tissu résiste aux taches. Ceci est important lorsqu’ils sont tendus pour couvrir des sièges par exemple.

La fronde des tisserands européens

Le succès commercial de ces étoffes faisait concurrence aux produits européens et faisait dangereusement pencher la balance du commerce extérieur en faveur des pays importateurs. Les productions de tissus français se vendaient mal, ce qui provoqua la fronde des tisserands européens. Ils s’unirent afin d’interdire les importations des indiennes.

 En France, les soyeux lyonnais et les drapiers normands s’insurgèrent contre cette concurrence et incitèrent les gouvernements successifs à interdire l’importation de ces articles. Colbert refusa toujours de céder à ces injonctions. Ce point est crucial, car il obligea les tisserands à améliorer les techniques de tissage et d’impression. Mais il faudra encore beaucoup d’années et d’essais infructueux avant de parvenir à reconquérir une clientèle qui s’entichait de produits exotiques.

Louvois et la prohibition

Successeur de Colbert, Louvois n’hésite pas à prendre des mesures drastiques, instituant la prohibition des étoffes exotiques en 1686. Par décret, l’usage, la fabrication, le commerce des toiles peintes est interdit dans le royaume. Une mesure qui fut également prise dans différents pays européens, aisée à prendre mais difficile à faire appliquer. La contrebande était courante, un marché parallèle s’établit rapidement, et des villes portuaires comme Marseille ou Lorient en profitèrent pour se développer. Les indiennes arrivant par la mer, ces villes servaient d’entrepôts en attendant d’être vendues à travers le pays.

Les conséquences économiques et politiques de la prohibition des indiennes

La prohibition eut pour conséquence l’exil de nombreux artisans, souvent protestants, vers des ports francs comme Mulhouse, ou vers des pays frontaliers de la France très accueillants tels la Suisse ou l’Allemagne. Mulhouse, ville enclavée dans le territoire français, se développa en installant sur son territoire des centres d’indiennage, produisant localement des toiles peintes, introduites en fraude sur le territoire français. La prohibition ne s’appliquant qu’en France, ces artisans ne furent pas inquiétés.

Les marchés parallèles perdurèrent jusqu’a l’abolition de la prohibition, proclamée officiellement en 1759 par un décret de Louis XV.

Au XVIII e siècle, on commença à imprimer mécaniquement en Angleterre comme à Jouy, des motifs à répétition avec des planches de bois ; la surface de ces tissus est rendue brillante par diverses méthodes. La plus courante consistait à plonger les cotonnades dans une cuve remplie d’eau amidonnée, puis de les passer encore humides entre des cylindres. 

En Angleterre, les procédés de cylindrage et de calandrage furent perfectionnés, s’appliquant largement à ces étoffes. Le chintz connu alors un succès commercial en Grande Bretagne, succès qui ne s’est absolument pas démenti : en décoration par exemple, si on désire obtenir une atmosphère féminine et confortable, habiller ses fenêtres de rideaux en chintz fleuri, donner un style anglais à un intérieur, quoi de mieux qu’un canapé recouvert d’un chintz fleuri ? Les vêtements ne sont pas en reste si l’on pense aux robes romantiques en chintz aux couleurs douces, toujours un brin british qui, au cours des siècles et des cycles de la mode, a connu des hauts et des bas.

Les influences historiques et culturelles eurent toujours des répercussions sur la mode. Ainsi, l’engouement au XIX e siècle pour l’antiquité ; la découverte de Pompeï, les fouilles en Grèce et en Turquie, le goût pour l’Italie des artistes peintres ou poètes, furent indéniablement à l’origine d’une architecture néo classique, de l’avènement des robes légères, quasi transparentes. Ainsi, les sources d’inspirations se tournèrent vers l’Occident plus proche et encore mystérieux aux yeux des européens.

On constate encore une fois que la mode fait souvent progresser l’industrie qui, autrement, se contenterait de rééditions.

L’industrialisation met fin aux monopoles

Au XIXe siècle, la guerre des tarifs s’intensifia et les prix chutèrent, en partie parce que l’invention du rouleau de cuivre permit une production plus rapide, et parce que la découverte des couleurs chimiques autorisait une simplification du travail et donc un coût plus faible de main d’œuvre : les couleurs étaient alors plus sombres et encore plus solides : on obtenait des bleus de Prusse, du jaune de chrome ou du vert bronze.

L’histoire des imprimés de coton en Angleterre peut rivaliser, en péripéties, rebondissements et succès commerciaux, avec l’histoire de ces étoffes en France. De nombreux tissus de coton furent imprimés en Angleterre depuis les premiers « calicoes » en 1592 d’une qualité bien inférieure à celles des véritables indiennes.

La demande se faisant plus forte, les ateliers d’indiennages se multiplièrent en Europe, tant et si bien que l’offre se diversifia, proposant un choix d’articles de différents niveaux de qualité et de prix, offrant aux classes populaires l’opportunité d’acquérir ces tissus. Les motifs s’affirmèrent de plus en plus selon les pays. En France par exemple,  les imprimés passent de la flore aux scènes de la vie quotidienne ou aux pastorales. Le meilleur exemple est sans doute celui des toiles de Jouy. 

En Grande Bretagne, les motifs floraux perdurent, mais ce sont les fleurs des jardins anglais qui se déversent par brassées sur les chintz destinés à habiller les murs et à recouvrir les canapés. Les tissus fleuris et glacés deviennent alors synonyme de chintz, celui-ci se confondant rapidement avec le style victorien. Les premiers chintz fabriqués en

Europe au XVIIIe siècle, épais et rigides, rendaient leur utilisation malaisée, surtout pour l’habillement. L’apprêt final rendait la surface brillante tout en raidissant l’étoffe. C’est pour cette raison technique que le chintz eut une première vie dans la décoration d’intérieur avant d’acquérir finesse et souplesse et de trouver sa place sur les pages glacées des magazines et dans nos dressings.

 « Le chintz est comme un cocon, une niche, il est enveloppant, il rappelle la maison. Sa réapparition en mode est le signe d’une société qui a besoin d’un retour à l’intime, au passé. Une manière de se rassurer dans un présent qui fait peur. »

in l’imaginaire du luxe chez Imago.

Habillement : pour les robes d’été, jupes, vestes, les chintz en coton sont les plus adaptés. Les modèles doivent cependant respecter quelques règles afin de profiter au mieux de ce joli tissu : des coupes amples, il faut éviter les manches serrées, les vestes cintrées ou les pantalons cigarettes. Ayez en mémoire que l’opération de glaçage peut fragiliser les fibres. Ce tissu a une connotation essentiellement féminine en ce qui concerne l’habillement.   

Ameublement : le chintz est largement utilisé pour des rideaux ou pour recouvrir canapés et fauteuils. A chaque qualité sa destination. Il est préférable de choisir un chintz 100% coton pour une application floue ou souple sur des coussins moelleux par exemple. Par contre, un chintz poly/coton sera plus adapté à une pose tendue, comme pour des assises de chaises, d’un usage quotidien, toujours pour les raisons de solidité.

Maintenant, vous savez que vous avez fait le bon choix en optant pour un tel trésor.  Vous avez toutes les cartes en main pour exploiter au mieux le potentiel de cette étoffe aux multiples facettes.

Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture.

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